La médecine est un domaine en constante évolution. De nouvelles études, techniques et technologies sont constamment mises en œuvre. L’une des choses qui a changé est qu’un pharmacien a le droit de modifier l’ordonnance que votre médecin vous a donnée. Les gens ont toujours été sceptiques à l’idée de remplacer le médicament prescrit par un médicament générique, mais ils se ravisent généralement une fois que l’on leur a bien expliqué la situation. Il est important d’être toujours bien conseillé. Non seulement c’est bon pour les clients et leurs poches, mais cela permet également d’économiser plus d’un milliard de francs suisses par an. Si tous les médicaments originaux étaient remplacés par des médicaments génériques, ce montant doublerait.
Pour en savoir plus sur les avantages, continuez à lire l’article de Barbara Kursawe.
Les pharmaciens disposent du droit de substitution par des médicaments génériques depuis plus de 10 ans. Cela signifie que le pharmacien peut remplacer un médicament original prescrit par le médecin par un générique avec l’accord du client. Quelle est votre expérience avec ce droit dans votre officine ?
Nous nous sommes beaucoup occupés de l’évaluation des génériques avant même l’instauration du droit de substitution. Nous y étions donc bien préparés. Nous avons réussi la réalisation pratique mais l’offre a rencontré une forte résistance de la part de la clientèle au début. Les clients n’étaient pas habitués à ce que le pharmacien ait de l’influence sur la prescription médicale. La plupart d’entre-eux étaient sceptiques face à la substitution par un générique moins cher. Pour eux, le prix plus élevé de l’original était un gage de qualité et de sécurité.
L’attitude de la clientèle a-t-elle évolué avec le temps ?
Oui, beaucoup même. Lors de l’entretien personnel avec le client, nous avons généralement pu présenter les différences entre le médicament original et le générique et beaucoup de clients se sont finalement laissés convaincre «d’essayer » le générique. Après les premières expériences positives des clients, la substitution d’autres médicaments est devenue bien plus simple. L’utilisation de génériques a ainsi augmenté constamment. Une forte hausse a été enregistrée suite à l’introduction de la quote-part variable par les caisses-maladie. Si le client souhaitait conserver le médicament original, il devait s’acquitter d’une quote-part de 20 % pour ce médicament. L’utilisation de génériques permet aujourd’hui d’économiser plus d’un milliard de francs par an. Si tous les médicaments originaux étaient remplacés par leur équivalent générique, ce montant pourrait encore être doublé.
Il serait donc possible de faire encore mieux ! Comment ?
Voici les principales raisons selon moi. Un aspect important reste la communication. Les barrières linguistiques sont souvent un obstacle. D’autres raisons sont à chercher du côté des médicaments. Il y a une série d’actifs pour lesquels un « remplacement » pur et simple n’est pas possible.
Il y a donc des différences entre les médicaments originaux et les génériques ! Mais un générique ne doit-il pas être identique à l’original pour être admis comme générique ?
Les médicaments originaux et les génériques sont en principe identiques et donc interchangeables sur le plan du principe actif, du dosage, des indications et de la forme pharmaceutique. Il existe toutefois des différences entre l’original et le générique et même entre plusieurs génériques. Les préparations les plus proches de l’original sont les copies de médicaments issues du co-marketing. Ces médicaments sont produits par le fabricant du médicament original sur les mêmes machines mais sont commercialisés sous un autre emballage et à un prix nettement inférieur. Tout est donc identique ici, à part l’emballage et le prix. Les véritables médicaments génériques sont produits par une autre société selon leur propre formulation. Pour obtenir un médicament commercialisable, il faut des excipients. Ceux-ci peuvent différer de l’original par leur nature et leur quantité. Par exemple, un comprimé peut être coloré dans sa version originale mais être blanc dans la version générique. Ou le médicament original a été produit sous forme de comprimé pelliculé tandis que le générique n’est pas enrobé et que sont goût est donc amer. Les différences par rapport à l’original peuvent être un avantage ou un inconvénient. Outre les critères susmentionnés qui doivent être identiques pour l’original et le générique, la preuve d’une action identique, c’est-à-dire de la bioéquivalence, est tout aussi importante. Il s’agit de la façon dont les taux de principes actifs évoluent dans le plasma sanguin au fil du temps. Cette évolution doit être similaire dans une certaine limite entre l’original et le générique, ce qui n’est pas une évidence malgré un principe actif identique.
Mais quelle est l’influence de ces éléments sur la substitution dans les groupes de médicaments susmentionnés ?
Pour répondre à cette question, nous devons aller plus en détail. La bioéquivalence d’un médicament générique doit correspondre en principe à celle du médicament original avec une tolérance de +/- 20 %. Certains actifs toutefois ont ce qu’on appelle une «marge thérapeutique étroite» ou font partie des «médicaments à dose critique» et présentent une cinétique non-linéaire par exemple. Une marge thérapeutique étroite signifie que la moindre augmentation du dosage peut entraîner des effets toxiques tandis qu’une faible diminution du dosage rend le médicament moins efficace. La cinétique non-linéaire ou la vitesse de libération du principe actif non-linéaire décrit par exemple les variations naturelles de dégradation du médicament, ce qui se répercute sur la durée d’action. Pour ces médicaments, la fourchette de tolérance est réduite pour la bioéquivalence des génériques. En présence d’une maladie difficilement contrôlable, la substitution peut être délicate. Les antiépileptiques constituent un exemple flagrant. Ces médicaments protègent contre les crises d’épilepsie. Pour cela, la concentration du médicament dans le sang doit être déterminée avec précision pour chaque patient. Si la bioéquivalence d’un générique s’écarte même légèrement de celle de l’original, la protection peut être diminuée par rap port à celle offerte par le médicament original de même dosage. Dans les cas extrêmes, un patient pourrait avoir une crise d’épilepsie qu’il aurait évitée avec le médicament original. Chaque crise d’épilepsie ayant des conséquences sanitaires et sociales, le risque est trop grand. Imaginez simplement le déclenchement d’une crise d’épilepsie au volant!
Les génériques de ces principes actifs sont-ils dès lors utiles ?
Oui, car la prise de génériques ne pose aucun problème avec une nouvelle prescription du médicament. Dans cette situation, le médecin vérifie l’effet et la tolérance du médicament lors d’une consultation de contrôle. Selon le médicament, ce contrôle a lieu dans un délai plus ou moins proche, une seule fois ou plusieurs. Lorsque le traitement optimal est défini, passer au médicament original représenterait aussi un risque.
Il peut toutefois arriver de devoir passer d’un générique à un autre même pour ces actifs. Dans ce cas, les substitutions doivent être faites sous contrôle médical. L’effet du médicament est alors observé de façon ciblée pendant la phase de changement et les valeurs dans l’organisme sont surveillées par des mesures en laboratoire. La surveillance se déroule chez le médecin ou en clinique et entraîne donc des frais supplémentaires. Ces frais dépassent généralement les économies réalisées par le passage à un générique et rendent donc celui-ci économiquement inutile dans la plupart des cas.
Pour résumer, on pourrait dire qu’une substitution par un médicament générique est presque toujours possible si certains critères importants sont respectés. Exact ?
Oui, c’est pourquoi les clients ne doivent pas changer de médicament à la légère mais demander un entretien préalable au pharmacien.
En ce qui concerne les génériques, leur prix refait constamment débat. Il serait encore trop élevé. Quel est votre avis ?
En 2015, Santésuisse a comparé les prix en Europe. Dans les pays limitrophes, les prix sont de 40 % à 70 % moins cher que chez nous. Cela semble énorme mais l’écart est le même que pour d’autres produits. Par exemple, un BigMac en Hollande ne coûte que 43% du prix pratiqué en Suisse (Source: The Economist, 3.2015). La différence essentielle, toutefois, se situe au niveau des modèles appliqués aux génériques dans les pays. Si nous avons un modèle de soins avec liberté de choix, la plupart des pays environnants ont un modèle à montant fixe. Cela signifie que les caisses-maladie ne remboursent que le prix du générique le moins cher. Si le patient ne veut rien payer, il est obligé de choisir ce médicament. Comme le prix est le seul facteur compétitif pour les différents fournisseurs de génériques, il est marchandé au centime près chaque année. Si une société propose un prix inférieur aux autres, tous doivent passer au produit moins cher. Si on regarde le système global du point de vue du patient, le prix avantageux est entaché par une série de pertes de qualité. Le seul critère est le prix ! Les enrobages de comprimés pour faciliter la déglutition sont abandonnés par les fournisseurs bon marché pour des questions de coût. L’indication du nom sur les comprimés pour mieux les reconnaître est supprimée, ce qui augmente le risque de confusion chez les patients qui doivent prendre plusieurs comprimés en même temps. Les médicaments déclinés sous différentes formes, comprimés solubles, sirops et gouttes, sont ramenés à l’essentiel. C’est pourquoi j’espère que nous pourrons encore bénéficier longtemps en Suisse d’un marché des génériques libre où, d’une part, les sociétés pharmaceutiques s’efforcent de gagner des parts de marché en misant sur la qualité et le service et, d’autre part, les patients peuvent profiter de médicaments et de services de grande qualité.
Merci Madame Kursawe pour cet entretien de qualité!
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