Le nouveau défi de la médecine régénérative : une approche thérapeutique sans cellule

cells

Prof. Jacques Proust

Nescens, Clinique de Genolier

mars 22, 2022

Ce que la médecine régénérative tente de faire, c’est de remplacer une lésion ou un organe malade par des cellules souches qui se différencient pour remplacer les cellules endommagées ou malades. Cette méthode est utilisée depuis des années, principalement dans les greffes de peau et de moelle épinière. Des recherches récentes montrent que les cellules souches transplantées ne survivent que quelques jours. Leur efficacité thérapeutique repose sur la libération d’une variété de facteurs biologiquement actifs qui jouent un rôle essentiel dans la régulation de nombreux processus biologiques. Ils sont regroupés dans des vésicules libérées par les cellules souches, qui vident leur contenu dans des cellules cibles spécifiquement reconnues.

Pour en savoir plus, poursuivez la lecture de l’article du Pr Jacques Proust.

La médecine régénérative est une stratégie thérapeutique encore en cours de développement, visant à réparer une lésion ou un organe malade grâce à des cellules souches qui vont se différencier pour remplacer les cellules lésées ou malades (définition INSERM). Pratiquées depuis de nombreuses décennies pour les greffes de peau ou de moelle, ces thérapies dites cellulaires ont bénéficié des avancées scientifiques récentes sur les cellules souches.

Les cellules souches mésenchymateuses ou cellules stromales mésenchymateuses multi-potentes (CSM), sont les cellules les plus communément utilisées dans les protocoles thérapeutiques expérimentaux pour traiter des maladies humaines. Elles appartiennent à une population cellulaire initialement identifiée dans la moelle osseuse mais, en fait, présente dans tous les tissus. Plus de 800 essais cliniques utilisant ces cellules sont actuellement répertoriés.

Changement de paradigme concernant le mode d’actiondes cellules souches

On sait que les CSM, lorsqu’elles sont administrées chez l’homme, exercent plusieurs actions simultanées : en particulier, elles limitent l’inflammation, stimulent la réparation des tissus lésés et modifient la réponse immunitaire.
Cependant, lorsqu’elles sont injectées par voie intra-veineuse, les CSM sont piégées dans les capillaires pulmonaires et peu d’entre elles réussissent à migrer et à s’implanter au niveau des sites lésionnels. Moins de 1 % des CSM survivent une semaine après leur administration systémique.

Malgré cet inconvénient majeur, les études cliniques confirment les bénéfices thérapeutiques à court-terme de l’administration de CSM dans de nombreuses pathologies.
Cette apparente divergence s’explique en partie par le fait que les CSM favorisent la réparation et la régénération tissulaires via la sécrétion de messagers chimiques qui vont stimuler les mécanismes réparateurs de l’hôte et non par le remplacement direct des cellules endommagées.

Ce changement de paradigme est étayé par la découverte que les CSM sécrètent une pléthore de protéines biologiquement actives. L’administration de milieux de culture de CSM contenant ces molécules produit des effets thérapeutiques similaires à l’injection de CSM elles-mêmes, dans des modèles expérimentaux d’infarctus du myocarde ou de lésions pulmonaires.
Une avancée significative dans la compréhension du mode d’action des CSM a été obtenue lorsque l’on a démontré que la fraction biologiquement active des milieux de culture conditionnés par les CSM était due à des particules dont la taille était comprise entre 50 et 500 nanomètres.

Vésicules extra-cellulaires et dialogue inter-cellulaire…

Les CSM, mais également d’autres cellules de l’organisme, sécrètent en effet des vésicules extra-cellulaires (VE). Les vésicules extracellulaires (VE) suscitent un intérêt croissant lié à leur capacité à transférer du contenu biologique entre cellules. Les VE, émises dans l’espace extracellulaire, circulent via les différents fluides de l’organisme et modulent localement ou à distance les réponses des cellules avec lesquelles elles ont interagi. Les VE bousculent la vision traditionnelle de la communication intercellulaire et représentent ainsi un mode de communication alternatif et versatile, qui ouvre la porte à de nouveaux concepts et opportunités tant biologiques que thérapeutiques.

Les VE sont impliquées dans de nombreux processus physiologiques et pathologiques. Leur capacité de régulation physiopathologique est liée à leur contenu intra-vésiculaire mais aussi à leur composition membranaire.

Mode d’action des vésicules extra-cellulaires émises
par les cellules souches

Les VE sont constituées de plusieurs types vésicules incluant les exosomes et les microvésicules. Les microvésicules sont formées par un bourgeonnement de la membrane entourant les cellules alors que les exosomes, de plus petite taille mais également limités par une membrane, sont fabriqués à l’intérieur de la cellule. Les deux types de vésicules sont ensuite libérés dans l’espace intercellulaire et circulent dans l’organisme, transportées par les nombreux biofluides.
Le contenu des VE se compose d’enzymes, de divers métabolites et d’acides nucléiques comme de l’ADN, des ARN parfois fragmentés, ou des microARN impliqués dans la régulation de l’expression des gènes. Ce contenu peut varier selon type cellulaire dont les VE sont issues. C’est le transfert de ce contenu à la cellule cible qui va modifier le comportement et l’activité biologique de cette dernière.
Les VE portent à leur surface des protéines caractéristiques, variables selon leur origine cellulaire, qui sont directement impliquées dans l’interaction avec la cellule ciblée. Ces protéines membranaires permettent en effet la reconnaissance de la cellule cible, la fusion des VE avec la membrane de cette cellule ainsi que leur internalisation.

Intérêt thérapeutique des vésicules extra-cellulaires

Des données cliniques et expérimentales étayent le rôle bénéfique de l’administration de VE provenant des CSM, dans de nombreux processus physiopathologiques.

• Elles peuvent inhiber la croissance de certaines tumeurs.

• Elles expriment des propriétés cardio-protectrice dans des modèles expérimentaux d’infarctus du myocarde et des propriétés neuro-protectrices dans des modèles d’accident vasculaire cérébral et de lésions cérébrales d’origine traumatique.

• Certaines d’entre elles contiennent la néprilysine, une enzyme qui dégrade les peptides béta-amyloïdes impliqués dans la maladie d’Alzheimer, suggérant un effet bénéfique dans certaines affections neuro-dégénératives .

• Au niveau des intestins, les VE confèrent des effets protecteurs dans des modèles d’entérocolite.

• Elles améliorent l’hypertension artérielle pulmonaire et préviennent l’oedème pulmonaire provoqué par des endotoxines.

• Elles stimulent la régénération musculaire, osseuse et la formation de cartilage.

• Elles favorisent la réparation des plaies cutanées en induisant la prolifération des cellules épithéliales, la formation de néo-vaisseaux, ainsi que la synthèse de collagène et d’élastine.

• Enfin elles influencent l’activité de nombreuses cellules médiatrices de l’immunité.

Les VE apparaissent donc comme de nouveaux acteurs de la communication inter-cellulaire, et représentent des cibles intéressantes pour le développement d’approches thérapeutiques innovantes.

Les directions futures

L’utilisation en médecine régénérative des VE secrétées par les CSM présente des avantages considérables par rapport à l’administration des cellules souches elles-mêmes.

• Elle permet d’éviter les problèmes liés à la transplantation de cellules vivantes incluant la compatibilité immunitaire (pas de nécessité d’utiliser des cellules autologues), la formation de tumeurs et d’emboles, la transmission d’infections.

• Dû à leur très petite taille, les VE, contrairement au CSM qui sont en presque totalité éliminées dès leur premier passage dans le lit capillaire, peuvent circuler librement dans l’organisme

• Les VE peuvent être évaluées pour leur innocuité, leur dosage, et leur efficacité de la même façon que les produits pharmaceutiques.

• Les VE peuvent être stockées pendant une longue période sans agent de cryo-préservation cellulaire potentiellement toxique et sans perte significative de leur activité biologique.

• Elles peuvent être produites en grande quantité à partir de lignées cellulaires dans des bioréacteurs, sous des conditions de laboratoire parfaitement contrôlées. Les VE seraient ainsi immédiatement disponibles pour le traitement des pathologies aigües telles que les infarctus du myocarde, les accidents vasculaires cérébraux ou les lésions organiques d’origine traumatique.

• Enfin, le produit biologique obtenu pourrait être modifié afin d’obtenir des effets cellulaires spécifiques pour des applications thérapeutiques particulières.

En conclusion

Les recherches initiales attribuaient les effets bénéfiques des thérapies par les cellules souches à leur capacité de se greffer localement et de se différencier en de multiples types tissulaires. Les études récentes ont révélé que les cellules souches transplantées ne survivent que quelques jours et que leur effet thérapeutique est en fait dû à la libération d’une multitude de facteurs bioactifs qui jouent un rôle essentiel dans la régulation de nombreux processus biologiques. Ces messagers chimiques sont empaquetés dans des vésicules émises par les cellules souches qui vont déverser leur contenu dans les cellules cibles qu’elles auront spécifiquement reconnues. L’utilisation de ces vésicules à des fins thérapeutiques présente de nombreux avantages par rapport à l’administration de cellules souche en termes de production, dosage, efficacité, stockage, et de leur disponibilité immédiate, prête à l’emploi.

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