Troubles digestifs à partir de la cinquantaine

couple enjoying breakfast

Prof. Jean-Louis Frossard

Médecin-chef, Département de gastro-entérologie et d'hépatologie, Hôpital universitaire de Genève

mai 6, 2021

Notre système digestif change avec l’âge. Les chances d’avoir des troubles digestifs à partir de 50 ans augmentent. Les pathologies œsophagiennes, biliaires et coliques sont plus fréquentes à mesure que l’âge avance. Nous pouvons différencier différents troubles comme le reflux gastro-œsophagien, la lithiase, la constipation, etc. Le reflux gastro-œsophagien est le reflux du contenu gastrique dans l’œsophage. Il se manifeste par des brûlures dans la région thoracique. Il existe également des complications des maladies biliaires. Elles consistent en une cholécystite aiguë, une cholangite aiguë et une pancréatite aiguë. La constipation est définie comme le fait d’aller à la selle moins de trois fois par semaine.

Pour en savoir plus, continuez à lire l’article du Pr Jean-Louis Frossard.

Introduction

Le système digestif (normalement silencieux) peut devenir symptomatique avec l’âge. La question de la sénescence du système digestif reste toutefois débattue car le sujet demeure imparfaitement connu. Cependant, les évidences s’accumulent pour dire que les fonctions oesophagienne et ano-rectale subissent le plus les effets du vieillissement. En effet, la fréquence du reflux gastro-oesophagien et de la constipation augmente clairement avec l’âge de même que la pathologie lithiasique biliaire. La maladie lithiasique constitue sans conteste un problème courant dans notre population, avec une incidence s’accroissant jusqu’à près de 10% dès l’âge de 60 ans. Les complications qui lui sont associées ont un retentissement parfois sévère sur le sujet plus âgé, chez qui le diagnostic est souvent mal aisé. En effet, la présentation clinique et biologique se révèle souvent atypique chez des patients aux nombreuses comorbidités. Ceci explique une morbimortalité importante. Cette revue se propose de voir en détail les entités nosologiques suivantes : reflux gastro-oesophagien, pathologie biliaire et constipation.

Le reflux gastro-oesophagien

On appelle reflux gastro-oesophagien le reflux du contenu gastrique vers l’œsophage. Quoique présent a minima physiologiquement chez tout le monde, le reflux peut prendre une ampleur telle qu’il se manifeste par une sensation de brûlure thoracique favorisée par les repas (repas lourds, café, thé, etc) et la position penchée en avant. Paradoxalement, un reflux important peut demeurer complètement asymptomatique démontrant ainsi l’excellence des systèmes de protection conduisant à réduire l’impact de l’acide sur la muqueuse oesophagienne. Toutefois les choses ne sont pas si simples, car certains patients symptomatiques ou non peuvent développer des lésions de l’œsophage (oesophagite peptique) lorsqu’il est chroniquement exposé à l’acide. L’endoscopie oeso-gastrique pourra ainsi démontrer des érosions voire des ulcères de l’oesophage. Dans de rares cas d’exposition acide extrême, la muqueuse oesophagienne peut se voir remplacée par une muqueuse intestinale (œsophage de Barrett) constituant le siège de possible dégénérescence ultérieure. De façon intéressante, près de 50% des œsophages de Barrett sont détectés chez des patients reflueurs mais asymptomatiques. A ce stade, l’endoscopie sera couplée à la réalisation de biopsies afin d’attester la bénignité du processus et permettra de décider la nature du suivi que l’on proposera au patient. Le traitement du reflux gastro-oesophagien consiste en règles d’hygiène et de diététique (éviction de repas lourds, éviction du café et du thé, augmentation du délai entre repas et coucher, surélévation de la tête du lit) et par la prescription de médicaments supprimant l’acidité gastrique.

La maladie lithiasique chez la personne âgée

La lithiase biliaire constitue une entité très courante, puisque 10 à 15% de la population à partir de 65 ans en Europe et aux Etats Unis est porteur de lithiase vésiculaire, avec une prévalence double chez la femme. La vaste majorité de ces patients est asymptomatique au moment du diagnostic, sans anamnèse de douleurs biliaires ou de complications (cholécystite, cholangite ou pancréatite). Un accroissement linéaire de la prévalence de la maladie lithiasique avec l’âge est objectivé chez les deux sexes. Or il est important de noter que le grand âge est associé à une progression vers le développement de symptômes (coliques biliaires) avec une fréquence de 1-4 % par an. Cet état de fait impose une attention particulière que le médecin aura pour son patient puisque les taux de morbi-mortalité augmentent avec l’âge. L’approche thérapeutique s’avère en effet particulièrement plus compliquée et à risque chez une population âgée

Complications de la maladie biliaire

Cholécystite aiguë

La cholécystite est liée à l’infection du liquide vésiculaire, secondaire le plus souvent à l’obstruction du canal cystique par un calcul biliaire. La clinique est faite de douleurs abdominales d’apparition brutale évoluant dans un contexte souvent sub-fébrile et habituellement associée à des nausées et vomissements. L’épidémiologie est parallèle à celle de la lithiase biliaire. Le traitement consiste en une ablation de la vésicule en urgence ou en différé par voie laparoscopique.

Cholangite aiguë

La cholangite aiguë est un diagnostic difficile chez la personne âgée car le patient est souvent pauci-symptomatique. Les critères de la triade classique de Charcot associant état fébrile, ictère et frissons solennels ne sont pas vérifiés dans 30% à 40% des cas dans la population générale et ce pourcentage est encore plus important chez le sujet très âgé, chez qui le tableau clinique peut se manifester par des signes particuliers comme un état confusionnel, une hypotension, et une insuffisance rénale aiguë. En effet dans cette tranche d’âge, la présence d’un état fébrile ou de douleurs abdominales est peu commune par rapport à une population plus jeune. Cette distinction se reflète également sur la biologie, avec souvent une absence de leucocytose chez les sujets âgés, mais une cholestase plus marquée. Il s’agit d’une urgence digestive vitale qui nécessite l’extraction des calculs dans les meilleurs délais dans un centre ayant l’expertise du cathétérisme biliaire.

Pancréatite aiguë

La pancréatite aiguë résulte de la migration d’un calcul vésiculaire dans la voie biliaire principale. Le risque de migration est fonction de la taille des calculs, les calculs ayant une taille inférieure à 5 mm sont en effet associés à un risque accru de pancréatite aiguë. Cliniquement, la pancréatite aiguë est caractérisée par une douleur épigastrique souvent transfixiante associée à une élévation de la lipase à plus de trois fois la norme, l’amylase n’étant plus recommandée comme test diagnostic par les différentes conférences de consensus. La lipasémie reste élevée plus longtemps dans le sérum, ce qui est un avantage considérable chez les patients âgés, qui consultent plus tardivement. Le taux de mortalité associée à une pancréatite aiguë biliaire augmente avec l’âge comme le démontrent la plupart des études. Il est estimé à 8% lors de pancréatite sévère. L’âge est à l’origine de certains changements structuraux qui modifient la composition des calculs biliaires, expliquant ainsi une prédisposition particulière de la population âgée aux complications infectieuses. La plupart des calculs sont composés de façon prédominante de cholestérol. Une étude américaine a mis en évidence une corrélation significative entre la présence de micro-colonies bactériennes au sein de la matrice pigmentaire de ces calculs et la sévérité de l’infection. Les groupes bactériens identifiés dans le pigment lithiasique sont représentés par E.Coli, Klebsiella et Entérocoques. Lors de tableaux cliniques ou biologiques équivoques, l’échoendoscopie, technique nettement moins invasive que le cathétérisme biliaire constitue la technique d’imagerie diagnostique de référence de la lithiase de la voie biliaire principale (figure). L’imagerie par résonnance magnétique demeure moins performante que l’échoendoscopie pour les calculs cholédociens < 5 mm. Dès lors, l’échoendoscopie peut donc être considérée en première intention, et être suivie, en cas d’identification d’un calcul obstructif, d’un cathétérisme biliaire avec sphinctérotomie dans le même temps anesthésique.

Constipation

Le transit intestinal est très variable d’un individu à l’autre et la notion même de constipation est sujette à de multiples interprétations et aux habitudes personnelles. Sur le plan scientifique, on ne parle de constipation que lorsqu’un individu va moins de 3 fois à selles par semaine. L’inconfort et la dureté des selles représentent des critères mineurs pour poser le diagnostic de constipation. L’interrogatoire du patient est essentiel car il permet de vérifier surtout les modifications du transit qui constituent une source d’inquiétude pour le clinicien. En effet, tout changement progressif du transit avec raréfaction de la défécation chez un patient aux habitudes antérieures stables doit interpeller le médecin qui recommandera un examen clinique, des examens de sang et le cas échéant une coloscopie. Cet examen a pour but de vérifier l’intégrité du colon et d’exclure surtout un cancer colique, fléau qui touche près de 5000 personnes par an dans notre pays. A cet effet, il est important de rappeler que tout individu dès l’âge de 50 ans devrait bénéficier d’un screening du cancer colo-rectal par une des méthodes reconnues pour cette détection (sang occulte dans les selles, sigmoidoscopie ou coloscopie). Le traitement de la constipation repose sur des modifications du régime alimentaire, notamment en favorisant l’ingestion de fruits et légumes. L’idée de boire beaucoup durant la journée (> 2 litres) répandue dans la population n’est qu’un mythe en santé : aucune étude n’a pu prouver l’effet d’une telle habitude de vie. La prescription de laxatifs légers (plantaga oval) aura la faveur du corps médical dans un premier temps. En cas de constipation résistante, d’autres substances pourront être envisagées (laxatifs irritants, laxatifs osmotiques, molécules augmentant la sécrétion d’eau par les cellules du colon).

Conclusion

Les pathologies oesophagiennes, biliaires et coliques voient leur fréquence augmenter avec l’âge. La récurrence de symptômes digestifs nécessite une consultation auprès du médecin de famille dont le rôle sera de rassurer le patient au terme de son interrogatoire. En cas de doute, le médecin de famille pourra orienter son patient vers des examens spécialisés au besoin.

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