Qu’est-ce que la presbyacousie ? C’est un processus lié à l’âge au cours duquel nous perdons lentement l’audition dans nos deux oreilles. La cognition elle-même est un ensemble de processus mentaux impliqués dans l’apprentissage et la compréhension. Il s’agit notamment de la pensée, de la connaissance, de la mémoire, de la résolution de problèmes, etc. Comme nous apprenons également avec nos oreilles ou plutôt notre audition, la presbyacousie et la cognition sont des termes liés. Ne pas être capable d’entendre peut très certainement avoir un impact sur notre capacité à apprendre et à comprendre les informations qui nous sont données. Heureusement, il existe aujourd’hui un grand nombre d’aides auditives et de solutions qui peuvent aider à résoudre ces problèmes.
Pour en savoir plus, lisez l’article du Dr Olivier Merrot.
Le vieillissement normal est un processus global d’altérations moléculaires, cellulaires, physiologiques et psychologiques lié à l’avance en âge. Dans le cas de l’audition, le vieillissement se traduit par une atteinte neurosensorielle responsable d’une surdité de perception bilatérale, symétrique, progressive appelée presbyacousie.Longtemps limité aux processus mentaux multiples de traitement de l’information et de la connaissance (mémoire, langage, raisonnement, apprentissage, intelligence, résolution de problèmes, prise de décision, perception, attention…), le concept de cognition s’est élargi à une dimension plus affective intégrant les émotions. La cognition se développe parce qu’elle est sollicitée par nos sens et l’audition en est l’une des principales entrées.
En quelques mots, la presbyacousie
Classiquement, l’anatomie de l’oreille comprend une partie externe (pavillon et conduit auditif), une partie moyenne (tympan, osselets) et une partie interne (cochlée et nerf auditif). Seule cette dernière est impliquée dans les surdités dites neurosensorielles.
La date d’installation de la surdité, son évolutivité et son retentissement sont caractérisés par une importante variabilité interindividuelle. On distingue ainsi les presbyacousies «normales » et les presbyacousies «accélérées » dont le déterminisme associe une prédisposition génétique à des facteurs de fragilisation ou d’aggravation (essentiellement exposition au bruit mais également affections cardio-vasculaires, insuffisance rénale, prise de médicaments oto-toxiques…). La détérioration de la fonction auditive affecte les deux sexes à partir de 50-55 ans et s’accompagne d’une perte auditive qui concerne initialement les fréquences aiguës. On perd en moyenne de 5 à 6 dB par décennie avec une accélération après 70 ans.
Le dépistage, par l’interrogatoire, des signes cliniques évocateurs d’une presbyacousie est assez simple, la personne concernée les ayant déjà bien souvent identifiés : meilleure compréhension des voix masculines que féminines, difficultés à discerner les sons dans les ambiances bruyantes et/ou réverbérantes (grands magasins, brasserie, rue bruyante…), augmentation du volume de la radio ou de la télévision, intolérance aux sons intenses et moins bonne compréhension des voix au théâtre et au spectacle.
La caractéristique majeure de la presbyacousie est d’entraîner des distorsions sonores. Ainsi, le presbyacousique a besoin de plus d’intensité sonore pour entendre. Mais dès que le son dépasse le seuil de perception, il commence à entrer dans la zone de perception douloureuse. Généralement la personne atteinte de presbyacousie répète «comment?» parce qu’il n’entend pas et «ne crie pas » parce que le son devient douloureux dès que l’on hausse un peu la voix. Au moindre bruit de fond, la personne ne va plus pouvoir discriminer les sons. L’exploration auditive plus spécifique comprend l’audiométrie tonale qui cherche à apprécier le seuil de perception des sons purs pour des fréquences comprises entre 250 et 8000 Hz (spectre auditif) et l’audiométrie vocale qui permet d’évaluer la compréhension de mots simples bisyllabiques. Cependant, dans le premier cas, le résultat est purement théorique car les sons purs n’existent pas dans la nature; dans le second cas, l’évaluation «de l’enveloppe sonore» est très éloignée de celle de la phrase simple. La presbyacousie peut se présenter sous trois stades évolutifs : un stade sans traduction clinique, un stade d’incidence sociale apparaissant pour des pertes supérieures à 30 décibels sur la fréquence 2000 Hz et un stade d’isolement pour des pertes majeures, le sujet étant désormais incapable d’appréhender correctement son entourage sonore et préférant s’isoler.
Audition et cognition
L’audition permet à la cognition de se construire et d’apporter à la personne les solutions les plus adaptées à ses besoins par rapport à son environnement sonore. Le système auditif peut apparaître à l’observation comme composé de trois sous-systèmes :
• la perception : elle consiste dans la captation, l’amplification et le transcodage du « stimulus » sonore.
• le STNIPA (système de traitement neuronal des informations perçues auditives) fait partie intégrante de la cognition. Le STNIPA est supporté par la voie auditive et son rôle est de manipuler les influx nerveux de la cochlée jusqu’au cortex auditif primaire, transformant ce qu’il a reçu de l’oreille en un produit auditif parfaitement assimilable par la cognition. C’est donc à son niveau que les conséquences de la presbyacousie vont se faire le plus sentir.
• la cognition générale : elle reçoit tous ces éléments auditifs qu’elles fusionnent et fondent dans l’agitation de l’activité cérébrale.
L’âge s’accompagne de modifications dans le fonctionnement cognitif en particulier dans les domaines de l’attention, des fonctions exécutives, de la vitesse de traitement de l’information et de la mémoire.
Du point de vue cognitif, l’audition peut être définie, au même titre que les autres fonctions supérieures, comme un processus complexe qui résulte de l’interaction de structures cérébrales hautement différenciées. Les troubles de l’audition sont volontiers considérés comme relevant d’atteinte de l’appareil auditif périphérique en oubliant que si l’appareil périphérique est indispensable, il n’est pas suffisant car l’audition concerne également et de façon majeure, la fonction cérébrale. Au-delà de la perception auditive élémentaire, qui se résume à une affaire de hauteur et d’intensité des sons, l’essentiel chez l’homme (le langage, la musique, les bruits familiers) est dépendant de l’activité cérébrale: une bonne compréhension des troubles auditifs nécessite ainsi de prendre en compte les interactions complexes entre la perception du son par l’appareil auditif, sa réception/interprétation par le cortex auditif et sa compréhension/intégration dans le fonctionnement cérébral global.
L’oublier, c’est restreindre la prise en charge des malentendants à un problème de mécanique auditive : une aide auditive n’est pas assimilable à une simple paire de lunettes.
Compte tenu des interactions entre fonction auditive et fonction cérébrale, il est aisé de concevoir que des altérations cognitives liées au vieillissement physiologique puissent retentir sur la perception auditive, en particulier pour le langage. Ce retentissement est encore plus important en cas d’altération cognitive pathologique telle que celle observée au cours de la maladie d’Alzheimer ou d’autres affections neuro-dégénératives liées à l’âge.
Inversement, des travaux récents montrent que le risque de démence, toute autre cause étant par ailleurs exclue, augmente d’un facteur 1.9 en cas de perte auditive légère, d’un facteur 3 en cas de perte moyenne et d’un facteur 4.9 en cas de perte auditive marquées. Une bonne compréhension des phénomènes physio-pathologiques et des enjeux dans le vieillissement de la perception auditive doit déboucher sur une meilleure prise en charge de la presbyacousie. La mise en place précoce des aides auditives, mais également la prise en compte des interactions avec les fonctions cognitives doit permettre de faciliter à la fois l’adaptation aux prothèses et les mécanismes de compensation cérébrale.
Conclusion
La presbyacousie entraine une détérioration progressive et invalidante de la perception des sons aigus. Restaurée par le truchement d’une ou de deux aides de correction auditives, sous condition d’une mise en place progressive et adaptée par le professionnel audioprothésiste, l’audition retrouvera toute son efficience. L’objectif est bien de corriger le sensoriel afin de préserver au mieux le cognitif. Le dépistage précoce à la recherche d’une désafférentation progressive est donc indispensable avant la mise en place d’une prise en charge globale. En cas de résultat audiologique jugé insuffisant et/ou d’une altération associée de la cognition (évoquée notamment par l’entourage), un accompagnement orthophonique est indispensable afin de réadapter la personne presbyacousique et son entourage à ces nouvelles conditions de communication auditivo-verbale. Ainsi, le généraliste est au cœur de la procédure par son rôle de détection. L’oto-rhinolaryngologiste évalue, prescrit et coordonne la dynamique «auditive». L’audioprothésiste adapte les appareils auditifs à la personne malentendante et l’orthophoniste adapte la personne malentendante aux prothèses auditives.
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