Les rhumatismes

Rheumatism

Dr. Jocelyne Melchior-Capiot

Spécialiste FMH Rhumatologie, Rue Madeleine, Lausanne

mars 21, 2022

Nous associons tous les rhumatismes aux générations plus âgées, ce qui n’est pas nécessairement le cas. Des personnes de tous âges, même des enfants, peuvent souffrir de rhumatismes. Peu de gens savent que les rhumatismes regroupent plus de 200 maladies, mais qu’elles sont toutes liées. Elles s’attaquent toutes à notre système musculo-squelettique, aux os, au cartilage, aux articulations, aux tendons, aux ligaments et aux muscles. On peut également les diviser en deux catégories, à savoir les maladies inflammatoires et les maladies non inflammatoires. Les symptômes les plus courants des rhumatismes sont les douleurs articulaires, dorsales et tendineuses, la fatigue, etc. Nous pouvons diviser le traitement en deux options, les traitements médicamenteux et non médicamenteux.

Si vous voulez en savoir plus, continuez à lire l’article du Dr Jocelyne Melchior-Capiot.

«Les rhumatismes…??? Mais c’est pour les vieux!…», me dit l’une de mes jeunes patientes lorsque je lui annonce lui avoir diagnostiqué une maladie rhumatismale à l’origine des douleurs dont elle souffre depuis cinq ans au niveau du dos et des genoux.

Et non! Les rhumatismes ne sont pas l’apanage de nos aînés… Ils touchent aussi bien les jeunes adultes que les enfants et les personnes d’âge moyen, tant les hommes que les femmes.

En Suisse, quasi deux millions d’habitants souffrent d’une maladie rhumatismale, parmi lesquels 300000 personnes déclarent des formes chroniques, plus graves, susceptibles de conduire à un handicap fonctionnel. Economiquement, les rhumatismes génèrent ainsi des coûts se chiffrant en milliards : coûts directs (liés aux divers traitements nécessaires), coûts indirects (en relation avec les arrêts de travail, les rentes d’invalidité) mais surtout des coûts humains en relation avec les souffrances physiques et psychologiques, générant souvent une baisse de la qualité de vie. Fort heureusement, depuis une vingtaine d’années, de nouveaux traitements ont vu le jour, révolutionnant la pratique de la rhumatologie et améliorant le quotidien de vie de nos patients.

QU’EST-CE QU’UN RHUMATISME ?

Etymologiquement issu du grec « rheuma», signifiant «eau qui coule», le rhumatisme était anciennement considéré comme un «écoulement des humeurs » du corps humain, lié à des manifestations douloureuses pouvant « s’écouler » au cours de la maladie dans plusieurs régions du corps. En fait, « rhumatisme» est un terme global, regroupant plus de 200 maladies de causes différentes dont le point commun est de s’attaquer à l’appareil locomoteur: os, cartilage, articulations, tendons, ligaments, muscles sont des tissus ainsi vulnérables. Les atteintes rhumatismales sont généralement classifiées, selon différents critères, en deux principales catégories : les rhumatismes inflammatoires et les rhumatismes non-inflammatoires.

Le rhumatisme inflammatoire comprend:

  • Les diverses formes d’arthrite, inflammation d’une articulation, de diverses origines : arthrite infectieuse (sur infection bactérienne ou virale), arthrite sur atteinte autoimmune, par exemple dans le cas de la polyarthrite rhumatoïde.
  • Les atteintes liées aux spondylarthrites (enflammant la colonne vertébrale et les zones péri-articulaires), telle que la spondylarthrite ankylosante (maladie de Bechterew).
  • Les collagénoses ou connectivites, touchant les tissus conjonctifs de l’appareil locomoteur (lupus, syndrome de Sjögren, sclérodermie, myosites), en lien avec des causes immunologiques.

Le rhumatisme non-inflammatoire comprend:

  • Les atteintes des articulations en lien avec l’arthrose (maladie dégénérative, d’usure) touchant les articulations, mais aussi la colonne vertébrale en provoquant des douleurs chroniques.
  • Les arthropathies microcristallines, comme la goutte ou la pseudo-goutte (chondrocalcinose), liées à des dépositions de cristaux au sein même des articulations.
  • Les affections osseuses comme l’ostéoporose, l’ostéomalacie.
  • Les maladies des tissus mous, en lien avec des troubles métaboliques (calcifications des tendons), des sur-sollicitations péri-articulaires, des perturbations de la réponse à la douleur (fibromyalgie).

QUELS SONT LES SYMPTÔMES DU RHUMATISME ?

Il se manifeste par des douleurs:

● des articulations (mains, pieds, genoux, coudes….)

● du dos (colonne vertébrale cervicale, dorsale, lombaire)

● du bassin, des fesses, des côtes, du sternum

● des tendons (tendons d’Achille, coudes, poignets, chevilles…)

● des gonflements des articulations (épanchements) ou des zones alentours avec parfois chaleur locale liée à l’inflammation.

● une sensation de raideur, surtout dans les rhumatismes inflammatoires, nécessitant un «dérouillage» surtout le matin. Celle-ci peut provoquer une limitation dans les mouvements et une gêne fonctionnelle considérable dans les actes du quotidien.

● des déformations de certaines zones du squelette selon le type de rhumatisme et son évolution.

● une grande fatigue, signant dans les rhumatismes inflammatoires, la sollicitation inappropriée du système immunitaire.

QUELLES SONT LES CAUSES DES RHUMATISMES INFLAMMATOIRES ?

Si l’on ne connaît pas encore de façon explicite les causes les provoquant, l’on sait qu’ils sont le résultat d’une association entre certains facteurs environnementaux se manifestant parfois sur la base d’un terrain génétique particulier.

Le rhumatisme inflammatoire est constitué de maladies auto-immunes au cours desquelles, au lieu de défendre comme d’habitude l’organisme contre des agressions extérieures (virus, bactéries), le système immunitaire est perturbé et ne reconnaît plus comme sien l’organisme de la personne atteinte. Il se forme ainsi, par de complexes réactions immunitaires, des auto-anticorps qui vont provoquer des réactions inflammatoires en cascade, menant au processus d’inflammation localisée ou systémique.

Selon l’évolution, l’inflammation peut provoquer des atteintes destructrices des tissus du squelette et à la longue des déformations articulaires. Cette évolution est imprévisible, parfois en lien avec des facteurs de stress. Elle peut associer des périodes de douleurs intenses avec progression des atteintes articulaires à des périodes de rémission douloureuse, entre les poussées.

COMMENT LE DIAGNOSTIQUE-T-ON ?

Par une écoute attentive du patient et un examen médical complet, le rhumatologue va émettre une hypothèse diagnostique qu’il va confirmer par des examens complémentaires:

  • Examens de laboratoire
  • Eventuelle ponction de l’articulation
  • Radiographies
  • Si besoin, ultrasons, CT-scan, IRM

QUELS SONT LES GRANDS TYPES DE RHUMATISMES INFLAMMATOIRES ?

Trois sont à l’avant-plan:

● La polyarthrite rhumatoïde

● La spondylarthrite ankylosante

● Le rhumatisme psoriasique

1. La polyarthrite rhumatoïde

Il s’agit du rhumatisme inflammatoire chronique le plus fréquent, touchant environ 0,4% de la population. Il se manifeste souvent entre 40-50 ans et touche plutôt les femmes (3 femmes pour 1 homme). Lorsqu’elle se manifeste avant l’âge de 15 ans, on parle d’arthrite chronique juvénile. La polyarthrite rhumatoïde atteint plusieurs articulations, de manière souvent symétrique et évolue parfois en quelques semaines.

Par la dysrégulation immunitaire, les auto-anticorps produits (facteur rhumatoïde, anticorps anti-CCP) vont conduire au sein des articulations à une forte inflammation avec épaississement de la membrane synoviale, production augmentée de liquide synovial enflammé, aboutissant à la constitution d’un tissu prolifératif, le pannus, potentiellement destructeur du cartilage articulaire et des tissus avoisinants. La polyarthrite rhumatoïde évolue souvent par poussées avec douleurs et gonflements articulaires, douleurs nocturnes et raideur matinale. Son diagnostic s’établit sur la base de l’examen du patient, d’examens de laboratoire (vitesse de sédimentation, C–réactive protéine, dosages immunologiques) et d’examens d’imagerie. Si les radiographies peuvent être initialement normales, les ultrasons et l’IRM permettent souvent un diagnostic plus précoce.

2. La spondylarthrite ankylosante (maladie de Bechterew)

Ce rhumatisme inflammatoire atteint plus fréquemment les adultes jeunes, souvent avant 40 ans. Il génère une atteinte inflammatoire touchant souvent le bassin et la colonne vertébrale ainsi que les enthèses, zones anatomiques où les tendons s’attachent à l’os.

Les douleurs se manifestent au niveau des articulations sacro-iliaques (articulations entre le sacrum et le bassin), en regard des ligaments et articulations maintenant entre elles les vertèbres de la colonne vertébrale mais aussi au niveau de la cage thoracique.

Les enthèses périphériques peuvent aussi être atteintes (tendons d’Achille, talons, coudes, genoux, périhanches…). Une importante fatigabilité s’associant à des douleurs lombaires et des fesses, du milieu du dos, du bassin, avec un rythme nocturne et une raideur matinale sont des signes très évocateurs de ce diagnostic. Une coexistence est possible avec d’autres atteintes inflammatoires touchant la peau (psoriasis), l’œil (uvéites), les maladies inflammatoires du tube digestif (Maladie de Crohn, rectocolite ulcéro-hémorragique). Le laboratoire montre rarement les signes inflammatoires que l’on peut observer dans la polyarthrite rhumatoïde. Si le dosage de l’antigène d’histocompatibilité HLA-B27 peut être retrouvé plus fréquemment que dans la population normale, il n’est pas positif chez tous les patients et n’est pas spécifique. Des radiographies de la colonne vertébrale et du bassin peuvent révéler des images compatibles en présence d’une sacro-iliite (inflammation des sacro-iliaques). Ici encore, l’IRM permet un diagnostic souvent plus précoce.

3. Le rhumatisme psoriasique

Il s’agit d’un rhumatisme inflammatoire survenant sur un terrain de maladie cutanée, le psoriasis. Les hommes sont autant touchés que les femmes, souvent entre 30 et 50 ans. Il existe différentes formes d’atteinte articulaire touchant soit la région axiale (dos et bassin), ressemblant à la spondylarthrite, soit les articulations périphériques (comme dans la polyarthrite), soit encore des formes mixtes, combinant l’atteinte du dos et des articulations. A la différence de la polyarthrite rhumatoïde, l’atteinte est asymétrique, localisée au départ à une ou deux articulations des membres et/ou de la main. Ici encore, douleurs, gonflements, raideur matinale sont symptomatiques.

Le diagnostic est essentiellement clinique basé sur l’examen par le médecin de lésions cutanées sous forme de plaques squameuses, blanchâtres et/ou érythémateuses, souvent en regard des genoux, de la face postérieure des coudes, du cuir chevelu. Une atteinte des ongles peut aussi être révélatrice. Des paramètres inflammatoires élevés peuvent se retrouver à l’examen sanguin ainsi que des lésions évocatrices lors des clichés radiographiques.

QUELS SONT LES TRAITEMENTS DES RHUMATISMES ?

Le but de la prise en charge thérapeutique du patient atteint de rhumatismes est multiple: il s’agit avant tout de diminuer au maximum les douleurs du patient et de l’amener à obtenir la meilleure qualité de vie possible en le soutenant psychologiquement au cours de son traitement. Il est aussi nécessaire de prévenir l’installation de raideurs et de déformations articulaires pour maintenir au patient atteint son indépendance fonctionnelle.

Deux axes de traitement sont ainsi proposés : les traitements médicamenteux et les traitements non médicamenteux.

1. Les traitements médicamenteux

Les traitements symptomatiques visent à réduire douleurs et inflammation. Ils consistent en des antalgiques (paracétamol, tramadol, morphine parfois) et des anti-inflammatoires stéroïdiens (AINS) ou non-stéroïdiens (cortisone par voie orale, intra-musculaire ou par infiltrations). Ils ne traitent toutefois pas la cause immunitaire du rhumatisme.

Ce sont les traitements de fond qui vont œuvrer pour combattre les mécanismes immunitaires perturbés responsables du développement des rhumatismes inflammatoires et ainsi ralentir, voire parfois arrêter, le cours évolutif. Ces traitements agissent donc sur la cause de la maladie. Leur action nécessite une latence de 4 à 12 semaines pour observer leur efficacité. Non dénués d’effets secondaires, ils doivent être strictement surveillés par un médecin spécialiste. L’on distingue des traitements de fond chimiques et des traitements de fond biologiques ou biothérapies.

Parmi les traitements de fond chimique, c’est le méthotrexate qui est le plus utilisé depuis une trentaine d’années. Développé au départ comme anti-cancéreux, la rhumatologie l’utilise à toutes petites doses, hebdomadairement, en comprimés ou en injections sous-cutanées. D’autres molécules comme la sulfasalazine, le léflunomide ou l’hydroxychloroquine sont parfois utilisées, seules ou en association avec d’autres médicaments.

Les traitements de fond biologiques ou biothérapies sont quant à eux des molécules produites par des cellules. Ils agissent seuls ou en association avec des traitements de fond chimiques avec une efficacité remarquable dans 60 à 80 % des cas. Ils sont utilisés en cas d’inefficacité des traitements de fond chimique classiques et en l’absence de contre-indication à leur utilisation. Ils peuvent conduire à une rémission. Leur inconvénient, nécessitant information du patient et stricte surveillance, est leur possible tendance à favoriser les infections, ce qui nécessite également une prévention avant leur instauration (bilan dentaire, révision du plan vaccinal, bilan sanguin).

Les biothérapies ont plusieurs cibles. Les anti-TNF-alpha visent à réguler des protéines du système immunitaire (TNF alpha) ou des interleukines (IL1/IL6/IL17). Parmi les anti-TNF-alpha se retrouvent l’infliximab, l’étanercept, l’adalimumab, le certolizumab, le golimumab.

D’autres substances comme le tocilizumab vont contre-carrer l’action de l’interleukine 6, substance jouant un grand rôle dans l’inflammation. L’anakinra quant à lui agira sur l’interleukine 1, le sécukinumab sur l’interleukine 17.

D’autres molécules vont quant à elles agir sur les cellules du système immunitaire: le rituximab agit sur les lymphocytes B et l’abatacept diminue l’activation des lymphocytes T, cellules très importantes de la réaction immunitaire.

2. Les traitements non-médicamenteux

Afin de diminuer les douleurs, maintenir les mobilités et prévenir les déformations rachidiennes ou articulaires, la physiothérapie est essentielle. Diverses approches thérapeutiques sont susceptibles d’être utilisées : massages, mobilisations, étirements, électrothérapie, thérapie par signal pulsé (PST), mobilisations en piscine. Tout ce qui peut favoriser le mouvement est à conseiller, de façon douce, en respectant le niveau de la douleur (gymnastique douce, Taï-Chi,Yoga). La méditation en pleine conscience (MBSR), l’hypnose ont un grand rôle à jouer dans l’antalgie. Parmi les approches complémentaires, acupuncture, phytothérapie, mésothérapie sont aussi des aides précieuses.

Sur le plan fonctionnel, l’évaluation et l’intervention d’un(e) ergothérapeute, parfois à domicile, permet de guider le patient dans les actes du quotidien avec le moins de contraintes articulaires néfastes possibles. Il est aussi parfois nécessaire de recourir au port d’orthèses pour décharger et/ou stabiliser une articulation en souffrance.

Ainsi, si le rhumatologue est le chef d’orchestre de la prise en charge du patient rhumatisant, la nécessité d’une vision thérapeutique interdisciplinaire s’impose, vu la complexité et la spécificité des atteintes de l’appareil locomoteur liées aux rhumatismes.Le patient a besoin d’informations claires et précises, ce que l’on nomme «enseignement thérapeutique», dévolu au médecin avec l’aide d’un ou d’une infirmièr(e) spécialisé(e).

En harmonie avec son médecin traitant, l’élaboration active d’un plan de traitement, au cours duquel le patient retrouve un rôle participatif, avec ses proches, est aussi primordial que le respect de son autonomie décisionnelle.

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