Un taux élevé de glucose dans le sang peut affecter directement votre vision. En outre, le diabète est la principale cause de cécité entre 20 et 74 ans. Son impact sur notre vision peut être très différent selon la gravité du problème. Certaines personnes voient flou, d’autres sont atteintes de glaucome et d’autres encore perdent totalement leur capacité à voir. Heureusement, nous disposons de plus en plus d’options de traitement au fur et à mesure que le temps passe. L’arme la plus efficace contre le glaucome reste cependant la prévention. Si vous présentez l’un de ces symptômes, vous avez tout intérêt à consulter un médecin !
Si vous voulez en savoir plus, continuez à lire l’article du Pr. Marc D. de Smet.
De plus en plus de gens ont semble-t-il un sucre trop élevé. S’il persiste, s’aggrave, ou vient hors de contrôle, il peut affecter la vue. Comment peut-on prévenir cette complication additionnelle? Avec des visites supplémentaires chez le médecin? Quelles sont les mesures à prendre une fois que la vision souffre? Voilà les thèmes que nous allons aborder ensemble dans cet article.
L’œil est une caméra minuscule qui nous permet de voir le monde autour de nous. Nous voyons en plein soleil du haut de l’Aletsch jusque dans la pénombre des forêts du Jura. Nous distinguons le mouvement d’alpinistes qui grimpent l’Eiger tout comme les petits caractères du renouvellement de notre hypothèque. L’œil s’adapte à toutes ces situations et semble connaitre l’importance de son action car la vue se maintient malgré les assauts répétés du sucre. Il ne faut pas s’y méprendre, le diabète affecte l’œil, mais ce dernier s’adapte pour préserver la vision pendant de nombreuses années malgré la présence d’un taux de sucre élevé. Le sucre est pourtant un élément vital, qui est d’ailleurs nécessaire au bon fonctionnement du cerveau et de l’œil. Ce n’est pas sa présence mais bien son excès qui pose problème car lorsqu’on a trop de sucre qui circule, il modifie la fonction des cellules et leur survie. Ces fonctions tellement affinées qui permettent la vue, se dérèglent peu à peu. Comment cette perte de fonction se manifeste? Cela dépend de l’âge du patient et la durée du diabète.
Chez les jeunes, on parle souvent de diabète de type I. Agressif et explosif, la perte de vision est associée à des saignements internes de l’œil. L’excès de sucre mène à la perte de capillaires – ces minuscules vaisseaux qui nourrissent la rétine et lui apportent son oxygène. La rétine asphyxiée sécrète des facteurs menant à la genèse de nouveaux vaisseaux, mais ceux-ci ne sont pas aussi résistants et saignent aisément. Ils sont également la cause du décollement de la rétine et parfois de la cécité. Des manifestations aussi sévères n’apparaissent qu’après plus de 10 ans d’un diabète mal contrôlé, mais chaque année compte. Plus le contrôle est bon, moins il y a de chance de voir ceci se produire.
Chez les personnes plus âgées souffrant de diabète de type II, la situation se présente différemment. Après 5 à 10 ans d’un contrôle difficile, particulièrement lorsqu’il est associé à l’hypertension et l’hypercholestérolémie, c’est la fonction maculaire qui souffre le plus. Cette zone (nous en avons parlé précédemment), nous sert à lire et à reconnaitre les visages. Ici le sucre modifie la fonction de la rétine elle-même. Plutôt que de maintenir une configuration bien compacte, elle s’élargit, se gorge d’eau qu’elle semble incapable d’éliminer. Plus cet œdème prend de l’importance, plus la lecture devient difficile, et finalement, on ne pourra reconnaitre que des formes flous, la lecture étant devenue impossible. Si l’œdème perdure, la rétine perd sa forme, l’échafaudage même de la rétine, formé par les cellules de Mueller, s’effrite à mesure que ces dernières meurent et ainsi l’œdème devient permanent. Dès la cinquième année après le début d’un diabète de type II, l’œil peut nécessiter l’aide d’un médecin.
Heureusement, le tableau n’est généralement pas si sombre. Notre arsenal thérapeutique s’élargit d’année en année. Nous comprenons mieux comment nous pouvons agir sur la maladie à divers stades, mais notre arme la plus efficace est la prévention, et la seconde le dépistage. Par prévention, nous vous recommandons un contrôle approprié sous l’égide d’un généraliste ou d’un diabétologue. Ils ou elles sont en mesure de proposer un traitement capable de faire baisser et de maintenir le sucre à des niveaux acceptables. Ils ou elles verront également à traiter, si nécessaire, les facteurs qui peuvent aggraver le diabète. Le dépistage consiste à voir un ophtalmologue régulièrement même avant que la baisse de vision ne devienne apparente. En effet, il existe bon nombre de signes avantcoureur, invisibles au patient mais pas à l’œil entrainé de l’ophtalmologue. Certains de ces signes sont sans conséquences, d’autres peuvent le mener à proposer un traitement anticipatoire. Plus on intervient tôt, meilleur est le résultat.
Ces dernières années, la technologie a beaucoup simplifié la tache de l’ophtalmologue. Une mesure de la vision reste importante, après tout c’est ce sur quoi nous dépendons tous, mais c’est grâce à une imagerie de haute précision que les décisions thérapeutiques se prennent aujourd’hui. Une toute simple image du fond de l’œil de préférence en couleur peut être le seul dépistage nécessaire au départ (figure 1). Elle peut être analysée par ordinateur ou examinée par un spécialiste pour y détecter des signes de maladie nécessitant un examen plus approfondi. L’OCT- cette technique non invasive de tomographie par cohérence de la lumière permet d’évaluer les diverses couches de la rétine, le degré d’inflammation et la sévérité de l’œdème maculaire (figure 2). Il peut même aider à planifier le traitement thérapeutique. En périphérie, l’angiographie permet d’évaluer le degré de perte des vaisseaux sanguins, des artères et veines jusqu’aux capillaires de l’œil. On l’utilise également pour évaluer les capillaires autour de la macula, mais à l’horizon on entrevoit déjà de nouveaux OCTs qui pourront sans agent de contraste permettre l’analyse de ces vaisseaux.
Il y a encore peu de temps, le traitement du diabète ne pouvait se faire que par le biais du laser. La perte de vision était souvent fréquente, et de nombreuses visites au cabinet étaient nécessaires pour compléter le traitement. Le laser reste une technique utile, elle a évolué vers une forme moins traumatique (dite sous le seuil de détection). Bien que cette dernière nécessite plus de temps pour démontrer un effet, et permet une récupération fonctionnelle souvent de longue durée (surtout si le diabète se stabilise). La rétinopathie diabétique (le terme médical pour l’atteinte oculaire due au diabète) se traite souvent avec des injections intraoculaires. On reconnait 2 grandes classes de traitement: les anticorps contre le VEGF (Lucentis, Eylea, Avastin) ou les corticostéroïdes (Ozurdex, Iluvien, dexaméthasone, triamcinolone). Certains de ces médicaments n’ont pas fait l’objet d’études randomisées et ne sont pas reconnus par Santé Suisse, mais ils sont tous efficaces sous certaines circonstances. Pour agir, la majorité nécessitent des injections répétées dans l’œil atteint et tous impliquent un suivi soutenu. Dans des cas plus avancés, la chirurgie vitréorétinienne est la seule option possible pour préserver la vision. Grâce à tous ces traitements, et de plus en plus grâce à leur combinaison, il est possible de prévenir la perte de vision et souvent de récupérer une perte déjà présente.
En combinant prévention et dépistage à un diagnostic assidu et une thérapie pondérée, la vision peut être préservée auprès de la majorité des patients. Vous n’éviterez pas les visites chez l’ophtalmologue, mais en étant efficace, votre visite ne prendra qu’un minimum de temps et vous retournerez à vos activités en un temps record.
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