Tout vieillit, d’une manière ou d’une autre. Avec le temps, tout commence à se détériorer, certaines choses plus rapidement que d’autres. Les plantes peuvent vivre jusqu’à des centaines d’années, alors que la durée de vie maximale d’un être humain est de 122 ans, et même cela est extrêmement rare. Nous pouvons en fait distinguer trois modalités de vieillissement différentes : le vieillissement réussi, le vieillissement normal et le vieillissement pathologique. La sénescence est un processus lent et complexe, qui commence dès la naissance, voire plus tôt dans certains cas. Il fait intervenir des facteurs physiologiques, psychologiques et biologiques qui sont tous liés entre eux. C’est précisément la raison pour laquelle le vieillissement et la sénescence diffèrent grandement pour chaque être humain.
Vous voulez en savoir plus ? Continuez à lire l’article du Pr. Jacques Proust & Pr. Pierre-Olivier Lang.
D’une façon générale, le « vieillissement » est défini comme une ou plusieurs modifications fonctionnelles diminuant progressivement l’aptitude d’un objet, d’une information ou d’un organisme à assurer ses fonctions. Dans le cas d’un organisme vivant, c’est un processus naturel qui, parfois exacerbé par divers stress subis tout au long de sa vie, conduit l’organisme à ne plus maintenir son équilibre physiologique (ou homéostasie) et finalement à mourir. Certains végétaux vieillissent extrêmement lentement et vivent ainsi plusieurs centaines d’années. A l’opposé, les éphémères sont des insectes qui ne survivent que quelques heures. Entre ces deux extrêmes, l’homme connaît à ce jour une longévité maximale de 122 ans (J. Calment, née le 21 février 1875 – décédée le 4 août 1997). Depuis le 17 décembre 2012, date du décès de l’Italo-Américaine D. Manfredini, le doyen de l’humanité est le Japonais J. Kimura, né le 19 avril 1897, et âgé de 115 ans. Il est par ailleurs la dernière personne de sexe masculin à être née avant 1900.
À proprement parlé, le mot « vieillissement » n’indique que le seul fait chronologique du passage du temps. Ainsi, par convention, on parle de vieillissement à partir d’un certain âge (l’âge «mûr »), avant de différencier le 3ème âge (65 –89 ans) du 4ème âge ou grand âge (> 90 ans). Certains différencient également les jeunes -vieux (65-75 ans), des vieux (75-85 ans) et des vieux-vieux (au-delà de 85 ans) et ou des super-centenaires ( au-delà de 100 ans).
Sur le plan médical, les définitions chronologiques sont généralement reléguées au second plan au profit de celles tenant compte du niveau de réserve physiologique de l’organisme. Lorsque l’on parle des conséquences du passage du temps sur le fonctionnement de notre organisme, on devrait utiliser le terme de “sénescence”.
La sénescence est un processus complexe, lent et progressif, qui commence dès la naissance voire déjà in utero pour certaines de nos cellules. Elle implique divers facteurs biologiques, physiologiques, psychologiques qui sont, pour une minorité, influencés par la génétique et, pour une très large majorité, liés à notre histoire de vie. L’étroite interrelation unissant tous ces facteurs fait qu’au sein de l’espèce humaine,
le vieillissement est très variable d’un individu à l’autre. Alors que certaines personnes apparaissent relativement résistantes au vieillissement (vieillissement réussi), même au jour de leur centième anniversaire, d’autres connaîtront des durées de vie plus brèves et/ou de bien moins bonne qualité (vieillissement pathologique).
Bien que la sénescence représente une étape naturelle et inéluctable de notre cycle de vie, elle ne doit pas pour autant être considérée comme un long processus d’usure de nos tissus qui serait de même nature que l’usure d’une matière inerte par le simple effet du passage du temps. En effet, certaines espèces ne manifestent aucun vieillissement observable, ou sont même capables d’inverser leur processus de vieillissement et de retourner à l’état larvaire. Quant à l’homme, son histoire montre que les limites initialement imposées par son vieillissement pouvaient être largement repoussées.
Le vieillissement de l’espèce humaine
NOTRE ESPÉRANCE DE VIE AUGMENTE…
Pour ne considérer que notre histoire récente, en l’espace d’un siècle, sous l’effet de la baisse de la mortalité mais peut-être aussi en raison de notre résistance accrue au vieillissement, notre espérance de vie a pratiquement doublé. Elle est passée de moins de 40 à plus de 80 ans. Nous avons, en moyenne, gagné 2,5 années de vie tous les 10 ans. Ce gain de vie résulte principalement :
• de l’amélioration de la prise en charge de la grossesse et des nourrissons, des progrès en matière d’hygiène et d’asepsie, de la lutte anti-infectieuse (antibiotiques et vaccinations), des progrès de la chirurgie et de la médecine
• de l’allègement de la pénibilité du travail, de l’instauration des congés payés, de l’allègement du temps de travail, de l’accès aux soins et à la scolarité, de la hausse du niveau de vie et de la réduction de l’extrême pauvreté et des carences alimentaires graves qui lui sont associées, de l’accessibilité de la majorité au confort domestique (eau courante, électricité, chauffage, accès au logement) ;
• de la mise en place de politiques de sécurité des transports, de normes de sécurité dans les entreprises et les bâtiments, de la conservation des aliments par le froid etc.
Bien entendu, des facteurs individuels ont également joué un rôle majeur dans l’augmentation de l’espérance de vie. L’information médicale et la prise de conscience de l’importance de la prévention a modelé les comportements : diminution de la consommation d’alcool, hygiène, asepsie, activité physique, équilibre alimentaire, etc.. Aujourd’hui, la prévention des facteurs de risques par l’individu constitue le moyen le plus efficace pour permettre la poursuite de l’augmentation de l’espérance de vie dans les pays développés.
… NOTRE SOCIÉTÉ VIEILLIT
Couplé à la baisse du taux de fécondité, cet accroissement de la longévité se traduit par des changements structurels inédits dans notre société comme l’inversion historique des proportions de jeunes de moins de 5 ans et des personnes âgées de 65 ans ou plus. Sur les 50 dernières années le nombre de personnes âgées de 65 ans ou plus a triplé. D’ici à 2025-2030, les projections démographiques font état d’une croissance de cette partie de la population 3,5 fois plus rapide que l’ensemble de la population générale. Aujourd’hui, la probabilité qu’un nouveau-né devienne centenaire est très élevée, alors que cela était encore une rareté il y a encore une vingtaine d’année. Selon le National Institue on Aging, le chiffre de 4 millions de centenaires devrait être atteint en 2050 alors qu’il n’était qu’à peine de 40 000 dans le monde en 1990.
L’accroissement considérable des effectifs de centenaires augmente tout naturellement la probabilité que certains d’entre eux atteignent des âges encore plus avancés. Ainsi on assiste, depuis peu, à l’émergence de ceux que l’on appelle les « super-centenaires ». Il s’agit d’individus qui ont atteint voir dépassé leur cent dixième anniversaire. S’il existe, en théorie, une limite biologique à la durée de la vie, pour le moment la longévité maximale de l’espèce humaine est encore inconnue.
En modifiant les contraintes environnementales et biologiques de la vie, l’homme a progressivement, au long de son histoire, repoussé les limites de la vie sans savoir encore où cela va le conduire. Si cet accroissement de la longévité ouvre à toutes les sociétés des perspectives considérables et témoigne d’une amélioration globale de la santé des personnes, cette mutation démographique sans précédent dans l’histoire de l’humanité soulève également des questions concernant notamment la qualité des années de vie gagnées. En effet, nous ne pouvons pas occulter que le vieillissement est intrinsèquement associé à une augmentation de l’incidence des maladies chroniques telles que le diabète, les maladies neuro- ou cardio-vasculaires, les cancers et les maladies neurodégénératives. Ne doit-on pas craindre en conséquence que les progrès actuels en matière d’allongement de l’espérance de vie et plus encore, les progrès à venir, ne soient porteurs de détérioration de l’état de santé globale de la population ?
… MAIS PAS TOUJOURS SANS INCAPACITÉ(S)
En effet, si pendant longtemps, on considérait que l’augmentation de l’espérance de vie allait de pair avec l’amélioration de l’état de santé, aujourd’hui cela n’apparaît plus aussi évident du fait de l’augmentation considérable de l’incidence de maladies chroniques, invalidantes mais non mortelles, avec l’avance en âge.
Les dernières estimations de la qualité de notre vieillissement, réalisées à partir des bases de données internationales sur la longévité, indiquent que la durée de vie moyenne continue d’augmenter. En moyenne, nous gagnons 3 mois de vie supplémentaires chaque année. Alors que jusque dans les années 90 les années de vie gagnées étaient des années de vie en bonne santé, il apparaît que depuis, l’augmentation de l’espérance de vie s’associe à une augmentation des incapacités dus aux incidents de santé survenus au cours de la vie.
LES DIFFÉRENTS MODES DE VIEILLISSEMENT
Le vieillissement, appréhendé à l’échelle des populations, se caractérise, comme précédemment décrit, par une réduction progressive des capacités fonctionnelles et par l’augmentation de l’incidence des maladies chroniques. En revanche à l’échelle de l’individu, trois modalités évolutives du vieillissement, sous-tendant différentes trajectoires de vie, sont communément admises :
• le vieillissement « réussi » ou «successful ageing», est un vieillissement à haut niveau de performance avec maintien des capacités fonctionnelles et cognitives ;
• le vieillissement usuel ou «normal ageing», qui s’associe à des atteintes de fonctions définies comme physiologiques ;
• et le vieillissement pathologique ou «pathological ageing», correspondant à un vieillissement accompagné d’une ou de plusieurs maladies (démence, dépression, troubles de la locomotion, défaillance d’organe etc.).
Il est cependant important de garder à l’esprit que le concept de « vieillissement » au niveau individuel n’est pas un processus uniforme et figé dans le temps mais qu’il s’agit d’un phénomène multidimensionnel tant démographique, biologique et médical que sociologique, psychologique et économique. Il convient ainsi de le cerner dans son entièreté afin de pouvoir élaborer et mettre en place des stratégies de prévention et de traitement efficaces et raisonnés.
Pourquoi vieillit-on?
SOMMES-NOUS GÉNÉTIQUEMENT PROGRAMMÉS À VIEILLIR ?
La rapidité du vieillissement des êtres vivants semble fortement influencée par des facteurs génétiques comme en témoigne le fait que des espèces animales génétiquement différentes ont des longévités qui leur sont propres. Ainsi, un éléphant peut vivre au-delà de 70 ans alors que l’espérance de vie d’une souris de laboratoire dépasse rarement 2 années. L’influence des gènes sur la façon dont on vieillit a également été confirmée par l’étude des familles dont les ascendants ont atteint un grand âge et celles portant sur les « vrais » et « faux » jumeaux. De façon expérimentale, il a été clairement montré que les gènes qui influencent le vieillissement peuvent être transmis d’une génération à l’autre. Ainsi, le croisement au sein de populations de mouches, d’insectes sélectionnés pour leur longue durée de vie, permet d’obtenir après plusieurs générations, une lignée à grande longévité.
Les théories évolutionnistes du vieillissement, suggèrent que le processus de vieillissement est la conséquence de la sélection naturelle et ne se pose donc pas comme le résultat inévitable de « l’usure normale » de l’individu. En effet, contrairement à l’opinion la plus communément répandue, notre vieillissement et notre disparition ne sont pas programmés. Dans un milieu non protégé et soumis à la sélection naturelle, les représentants des différentes espèces n’ont qu’une très faible probabilité de mourir de vieillesse parce que l’individu vieillissant et donc affaibli est très rapidement éliminé. Ainsi notre détérioration progressive et notre élimination ne sont donc pas programmées pour éviter le risque d’une concurrence avec notre progéniture dans la lutte pour la nourriture et l’espace. La cause véritable est ailleurs dans la sélection de nos gènes au cours de l’évolution.
Parmi les différentes théories sur la régulation génétique du vieillissement élaborées, la plus aboutie est la « théorie du soma jetable ». Elle se fonde sur les compromis d’allocation des ressources énergétiques disponibles entre la maintenance de l’organisme et sa reproduction. Dans cette théorie, le déclin des fonctions résulte des dommages non réparés de molécules, de cellules et de tissus. Ceux-ci sont dus aux processus de la vie et s’accumulent avec l’âge. La réparation de ces dommages est coûteuse, en termes de ressources énergétiques, pour l’individu. En conséquence, le niveau de détérioration d’un individu résulte d’une répartition variable de ses ressources énergétiques entre la maintenance et la réparation et d’autres activités concurrentes telles que la croissance et la reproduction. La théorie du soma jetable postule qu’il est inutile de maintenir un organisme au-delà de l’âge que cet organisme peut raisonnablement espérer atteindre dans son environnement normal. Autrement dit, lorsque le niveau de mortalité environnementale est élevé, il est moins intéressant d’investir massivement dans l’entretien (et donc d’augmenter l’espérance de vie) et plus intéressant d’investir dans une croissance rapide ainsi que dans la reproduction.
SOUS CONTRÔLE GÉNÉTIQUE : OUI, MAIS PAS SEULEMENT…
Au cours des 20 dernières années, les chercheurs ont identifiés plus de 50 gènes impliqués dans le processus de vieillissement. Quelle que soit l’espèce étudiée (bactéries, levures, mouches, vers, mammifères), on constate un haut degré d’homologie des gènes régulateurs du vieillissement suggérant des mécanismes universels. De façon particulièrement intéressante ces gènes sont en majorité impliqués dans les mêmes mécanismes : la croissance, la reproduction, la résistance aux stress biologiques et le contrôle du métabolisme, c’est à dire l’allocation des ressources énergétiques à diverses tâches. Ainsi ce qui apparaît génétiquement programmé ce n’est pas le vieillissement luimême mais la capacité d’un organisme à modifier la rapidité de sa dégradation de façon à s’adapter aux contraintes de son environnement.
Ainsi, en milieu naturel, lorsque les conditions environnementales sont favorables et la nourriture abondante, les réserves énergétiques sont principalement utilisées pour la croissance et la reproduction. Cette stratégie est alors associée à une relative négligence des activités de résistance au stress et de réparation. Cela conduit généralement à une réduction de la durée de la vie. Inversement, lorsque la nourriture se fait rare, les réserves énergétiques sont essentiellement mobilisées pour la survie de l’organisme, et cela aux dépends de la croissance et de la reproduction de l’espèce. La durée de vie se prolonge alors, jusqu’à ce que l’environnement redevienne favorable et permette à nouveau la reproduction.
Au cours de l’évolution, les gènes impliqués dans la reproduction ont probablement été sélectionnés en tant que gènes favorables et semblent jouer un rôle central dans la régulation de la survie de l’individu. C’est en partie pour cette raison qu’il existe, pour l’ensemble des espèces animales un lien très étroit entre longévité et âge de la reproduction : à une à reproduction tardive correspond généralement une durée de vie plus longue et inversement.
Comment vieillit-on?
LA JEUNESSE : UN JUSTE ÉQUILIBRE ENTRE DÉGRADATION ET RÉPARATION
Il faut concevoir l’organisme humain comme un système dynamique, en équilibre instable entre dégradation et réparation. Ainsi la jeunesse résulte d’un équilibre entre, d’une part, l’intensité de processus biochimiques nocifs pour certains composants cellulaires et, d’autre part, l’efficacité des systèmes de maintenance et de réparation dont sont équipées ces mêmes cellules. Le processus de vieillissement apparaît alors comme une rupture de cet équilibre, les mécanismes de maintenance et de réparation étant largement débordés par l’ampleur des dégradations moléculaires et cellulaires.
LA SÉNESCENCE : UN CUMUL DE DÉFICITS
Sur le plan biologique, la sénescence apparaît tout d’abord comme un vieillissement moléculaire. En effet, nous vieillissons parce que les molécules qui nous composent (protéines, lipides, acides nucléiques) sont progressivement endommagées. Du fait de cette altération moléculaire, certaines réactions biochimiques essentielles vont être modifiées, compromettant ainsi le fonctionnement de nos cellules. Cette modification du métabolisme cellulaire va entraîner à son tour des perturbations dans le fonctionnement des organes, des grands systèmes physiologiques et aboutir finalement au déclin global et à l’apparition de maladies puis à la mort.
La définition la plus largement acceptée du vieillissement est une diminution des réserves physiologiques qui, tout en permettant un fonctionnement à un état stable, se traduit par une incapacité adaptative de l’organisme à faire face à des événements dits stresseurs. Ainsi la survenue de déséquilibres nutritionnels, le développement de maladies chroniques ou aiguës, les traumatismes physiques et/ou psychiques mais également divers facteurs environnementaux et sociaux vont pouvoir agir en synergies et accélérer ce processus. Cependant certains des mécanismes intrinsèques de la sénescence et/ou contribuant à son accélération apparaissent dans une certaine mesure, réversibles et donc par définition potentiellement modifiables.
Les préjudiciables: les radicaux libres et le glucose
Les radicaux libres sont, pour la plupart, des molécules dérivées de l’oxygène que nous respirons. Ces formes activées de l’oxygène sont inévitablement produites lors des nombreuses réactions chimiques indispensables au fonctionnement normal de notre organisme. La presque totalité (95%) des radicaux libres est produite dans les micro-générateurs de nos cellules appelés mitochondries. Les radicaux libres sont des molécules très instables qui sont potentiellement dangereux pour l’organisme. Très réactives vis à vis d’autres molécules biologiques telles que les protéines, les lipides, les hydrates de carbone et l’ADN, ils peuvent causer un dommage irréversible aux fonctions métaboliques et aux structures de ces substances. Par exemple, il a pu être calculé que chaque molécule d’ADN contenue dans nos cellules faisait l’objet de 10’000 attaques oxydatives par jour.
Certains sucres, tels que le glucose, ont été, jusque dans les années 1970, considérés comme biologiquement inoffensifs. En réalité, ces sucres sont susceptibles de réagir avec les acides aminés composant nos protéines en favorisant la création de liaisons anormales entre les molécules qui vont non seulement altérer la structure des protéines mais également perturber gravement leur fonction. Ces processus sont le résultat d’une réaction chimique relativement lente, appelée glycation aboutissant à la production progressive dans l’organisme de produits terminaux de glycation qui sont hautement dangereux pour l’organisme. Ces produits s’accumulent avec l’âge et plus particulièrement lors du diabète et participent ainsi au développement de plusieurs maladies.
Naturellement, nos cellules sont équipées de mécanisme de défense permettant de réduire la nocivité des radicaux libres et des produits de glycation. Des enzymes aux noms compliqués (superoxyde dismutase, catalase, glutathion peroxydase, etc.) et diverses molécules synthétisées (glutathion, acide alpha-lipoïque, etc.) peuvent agir de façon coordonnée pour désamorcer les réactions oxydatives et contribuer à neutraliser les radicaux libres. Malheureusement ces différents acteurs sont eux-mêmes sensibles à l’action des radicaux libres et les produits de glycation, et leur efficacité s’amenuise au cours du temps, aboutissant à l’accumulation de lésions moléculaires non réparées. La sénescence peut ainsi, du moins en partie, résulter de l’incapacité progressive de l’organisme à maitriser le stress glycoxydatif.
Les batteries cellulaires se déchargent
La mitochondrie est l’unique générateur d’énergie de nos cellules. Situées dans le cytoplasme de chaque cellule, on peut comparer les mitochondries à des «piles» chargées de produire, stocker et distribuer de l’énergie nécessaire au fonctionnement de l’organisme. Les mitochondries utilisent 80% de l’oxygène que nous respirons pour fabriquer des molécules hautement énergétiques directement utilisables par la cellule.
La mitochondrie possède son propre ADN. Cet ADN est modifié lors de l’apparition de certaines maladies dégénératives associées au vieillissement (notamment maladie d’Alzheimer et maladie de Parkinson…). Cette observation a rapidement laissé à penser que la mitochondrie, et son ADN en particulier, pouvait jouer un rôle dans le processus de vieillissement ouvrant ainsi la porte à des nouvelles voies de recherche. L’exposition permanente des mitochondries aux radicaux libres altère significativement la capacité de production énergétique de ces organelles et ce, dès l’âge de 50 ans. En effet, il semble que l’ADN des mitochondries est 10 fois plus sensible que l’ADN cellulaire à l’action des radicaux libres. Les mutations ainsi engendrées favorisent les dysfonctionnements au sein de la machinerie mitochondriale. La baisse de production d’énergie se traduira dans un premier temps par un dysfonctionnement cellulaire. Puis, au-dessous d’un certain seuil de production énergétique, un programme de suicide cellulaire, appelé apoptose s’enclenchera, conduisant à la mort et à l’élimination de la cellule devenue incompétente. C’est ainsi qu’au cours du vieillissement, en raison des altérations moléculaires, on constate un dérèglement généralisé du fonctionnement cellulaire et une diminution progressive du nombre des cellules actives.
Avons-nous l’âge de nos télomères?
Les télomères sont des séquences répétitives d’ADN localisées à l’extrémité des chromosomes qu’ils protègent, contribuant au maintien de l’intégrité du matériel génétique. Pour la grande majorité des cellules, ces télomères se raccourcissent lors de chaque division cellulaire. Lorsqu’un seuil-limite est atteint, c’est-à-dire lorsque l’extrémité des chromosomes a été complètement érodée, la cellule est incapable de se diviser et entre en sénescence. En théorie, ce raccourcissement progressif des télomères pourrait participer au processus de vieillissement, en empêchant les cellules de se renouveler. Il est vrai que les cellules prélevées chez des personnes très âgées présentent de télomères nettement plus courts que ceux des cellules provenant d’individus jeunes. Néanmoins la longueur résiduelle de ces télomères permet encore un grand nombre de divisions cellulaires, excédant largement celles nécessaires au reste de l’existence…
Certaines cellules à haut potentiel de renouvellement, telles que les cellules souches, sont équipées d’un complexe enzymatique appelé télomérase et dont le rôle est de reconstituer l’extrémité des chromosomes usée par les divisions cellulaires successives. Au cours de la vie, on observe une réduction progressive de l’activité télomérase, si bien que ce déficit enzymatique a été incriminé dans le vieillissement. Cependant, lorsque le gène de la télomérase a été supprimé chez des souris génétiquement modifiées, ces animaux n’ont pas présenté de vieillissement accéléré. Les pathologies observées sur plusieurs générations de ces animaux «knock-out » pour le gène de la télomérase ont été principalement des hémorragies digestives, le renouvellement des cellules des muqueuses digestives étant intense et rapide.
Conclusion
Finalement, le vieillissement peut se définir comme l’ensemble des modifications, à la fois structurelles et fonctionnelles, qui affectent notre organisme aussitôt que ce dernier a achevé son développement, c’est à dire lorsque la croissance des organes et du squelette s’est arrêtée et lorsque la maturité sexuelle est atteinte. Cependant nos organismes et les éléments qui le composent vieillissent tous de façon différente et à des vitesses variables. Si certaines personnes semblent présenter une résistance accrue au vieillissement d’autres vieillissent plus rapidement et voient leur vie interrompue précocement. Cette hétérogénéité peut sans doute s’expliquer par des prédispositions génétiques, mais aussi et surtout par des modes de vie et des comportements individuels susceptibles de dilapider le capital santé ou à l’inverse de le préserver et de le renforcer. Les études montrent que la rapidité de notre déclin physiologique peut être attribué pour un tiers à notre hérédité et pour deux tiers à notre mode de vie. S’il paraît pour le moment difficile d’influencer les facteurs de risque liés à l’hérédité, il est en revanche possible de modifier ceux qui sont dus à des comportements néfastes pour la santé. Le tabagisme, la consommation excessive d’alcool, les drogues, le manque d’exercice physique régulier, les mauvaises habitudes alimentaires (trop de sucreries, trop de graisses animales saturées, etc.) aggravent et accélèrent la dégradation de nos organismes. La prévention du vieillissement commence donc par la correction des comportements à risque. Les progrès considérables accomplis récemment dans la compréhension des mécanismes biologiques fondamentaux à l’origine de notre vieillissement, ouvre la voie au développement de stratégies thérapeutiques destinées à ralentir la dégradation physiologique liée à l’avance en âge et à maintenir l’état de santé jusqu’au terme ultime de notre existence.
0 commentaires