Ostéoporose

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Dr. Andrea Trombetti & Pr. René Rizzoli

Dpt de Réhabilitation et Gériatrie, Service des Maladies Osseuses, Hôpital Cantonal, Genève

février 27, 2022

L’ostéoporose est une maladie qui rend nos os faibles et fragiles. Ils sont donc plus susceptibles de se fracturer et de se briser. Parfois, un geste aussi simple que la toux peut provoquer une fracture, selon la gravité de l’ostéoporose. Les fractures se produisent le plus souvent au niveau du poignet, de la hanche ou de la colonne vertébrale. Le problème de cette maladie est qu’elle est silencieuse. Cela signifie que vous ne pouvez pas sentir vos os s’affaiblir, de sorte qu’une fracture ou une cassure serait généralement le premier signe. L’ostéoporose n’est pas rare, puisque plus de 200 millions de personnes en sont atteintes dans le monde. Parmi les facteurs de risque, citons la ménopause, l’âge, une mauvaise alimentation, l’inactivité physique, le tabagisme, etc.

Vous voulez en savoir plus ? Continuez à lire l’article du Dr Andrea Trombetti et du Pr. René Rizzoli.

Quelques données épidémiologiques préoccupantes

L’ostéoporose est une maladie du squelette qui associe une diminution de la densité des os et des perturbations de leur architecture. L’ensemble fragilise l’os et favorise la survenue de fractures. Cette maladie est une des conséquences les plus fréquentes et les plus dramatiques du vieillissement de la population. On estime que plus de 51% des femmes et plus de 20% des hommes vont souffrir, après 50 ans, d’une fracture dite ostéoporotique (survenant sur un traumatisme mineur) de la colonne vertébrale, du col du fémur, ou du poignet.

La situation actuellement très préoccupante va encore s’aggraver, et les projections sont particulièrement inquiétantes, du seul fait de la structure d’âge de la population.

À titre d’exemple, on recensait 1.7 millions de fractures du col fémoral dans le monde en 1992. En 2050, du fait du vieillissement de la population, on devrait enregistrer 6.26 millions de fractures. L’ostéoporose atteint particulièrement les femmes (7 fois sur 10). Plusieurs raisons expliquent cette différence. Chez l’homme, la taille des os à la fin de la croissance est plus grande (ce qui les rend plus résistants), il n’y pas d’équivalent «ménopause» chez l’homme (même s’il existe un déclin de la sécrétion d’hormones mâles avec l’âge), et l’espérance de vie est moindre (la maladie a moins de «temps» pour s’exprimer).

Quelles sont les causes de l’ostéoporose?

De multiples facteurs contribuent au développement de l’ostéoporose.

L’hérédité joue un grand rôle (de nombreux gènes sont impliqués), notamment dans la quantité d’os acquise en fin de croissance (pic de masse osseuse). De nombreux autres facteurs dits de risque sont également en cause.

Le plus important, chez la femme, est la cessation définitive de la sécrétion d’estrogènes par les ovaires (ménopause). En l’absence de traitement, une femme peut perdre 1 à 2% de sa masse osseuse par an. En 10 à 20 ans, la perte cumulée peut ainsi atteindre 10 à 20% du squelette, voire plus.

Une alimentation qui apporte une quantité insuffisante de calcium et de vitamine D accentue le développement de l’ostéoporose. De plus certains comportements tel que fumer ou boire de l’alcool en excès peuvent favoriser l’apparition d’une ostéoporose.

De manière non négligeable, l’ostéoporose est le symptôme d’une maladie qu’il convient de dépister. Elle peut, en particulier, révéler des maladies endocriniennes, comme l’hyperparathyroïdie primitive ou un dysfonctionnement thyroïdien. L’intervention d’un spécialiste est ainsi souvent utile pour dépister de telles conditions.

Enfin, certains médicaments, comme la cortisone, favorisent le développement d’une ostéoporose.

Manifestations de la maladie

La maladie se manifeste par des fractures survenant sur des traumatismes mineurs (une simple chute de la hauteur du sujet). Elle atteint particulièrement le col du fémur, le poignet, les vertèbres, la tête de l’humérus (articulation de l’épaule). L’atteinte des vertèbres est à l’origine d’une perte de taille et d’une déformation caractéristique du dos en «cyphose» (patiente voûtée). L’image corporelle est ainsi particulièrement altérée.

La fracture de l’extrémité proximale du fémur représente la complication majeure de l’ostéoporose en termes de mortalité, de handicap fonctionnel et de besoin d’encadrement médical. Dans une étude récente, nous avons pu démontrer que plus de 20% des patients décèdent dans l’année qui suit la fracture. En moyenne, la réduction de l’espérance de vie est de 5 à 6 ans dans les deux sexes. Parmi ceux qui survivent, et qui vivaient de manière indépendante avant la fracture, l’événement en a contraint 20% à quitter définitivement leur appartement ou leur milieu familial pour résider en institution.

Longtemps, la maladie est silencieuse, n’occasionnant ni douleurs ni fractures.

Le diagnostic peut être fait à ce stade par la réalisation d’une minéralométrie. Il s’agit d’un examen utilisant les rayons X, mais au rayonnement très faible. Elle permet de quantifier le niveau de masse minérale et permet d’apprécier le risque de fracture. Cet examen est remboursé pour des indications spécifiques, sur une base officielle d’environ 100 CHF. Les données épidémiologiques accumulées sur la maladie permettent maintenant d’estimer le risque de fracture à 10 ans, en prenant en compte certains facteurs de risque et le niveau de densité mesuré par la minéralométrie.

Comment prévenir l’ostéoporose?

En pratique, quelles mesures faut-il prendre pour essayer de prévenir cette maladie?

Les besoins en calcium et en vitamine D doivent être couverts et comporter au moins 1000 mg et 5 µg par jour respectivement.

Les produits laitiers (lait, yogourt, séré et fromages) constituent les deux tiers de la source alimentaire de calcium. Le calcium provient aussi d’aliments comme les légumes verts, les légumineuses (lentilles), les oléagineux (noix), et les céréales complètes. Les eaux minérales riches en calcium (400-500 mg/litre) sont également de bonnes sources de calcium. Pour couvrir les besoins, il est recommandé de consommer environ 3 aliments riches en calcium par jour. C’est l’équivalent par exemple d’1 portion d’emmental (30g) + 1 yaourt + 1 bol de lait + 1l d’eau minérale riche en calcium + 1 assiette de légumes cuits. La vitamine D est fondamentale pour l’absorption du calcium par l’intestin et sa fixation sur les os. Elle est produite par la peau, sous l’effet des rayons ultraviolets, pour la 80% de nos besoins environ. La quantité de vitamine D fabriquée par notre corps varie donc selon notre exposition au soleil (saison, brouillard, région…). Le reste des besoins (5 g/j) doit être couvert par l’alimentation (poissons gras : sardine, thon, hareng, saumon, huile de foie de morue, jaune d’œuf, beurre et crème, certains aliments enrichis comme les produits laitiers). Un supplément médicamenteux en calcium et vitamine D est efficace chez la personne âgée pour prévenir les fractures, notamment de l’extrémité supérieure du fémur.

Les protéines sont aussi essentielles au maintien du capital osseux de la personne âgée. Les besoins recommandés sont de 1 g/kg de poids corporel.

Les protéines qui se trouvent dans notre alimentation sont de sources animales et végétales. Ainsi, les viandes, les poissons, la volaille, les œufs et le lait nous fournissent des protéines de première qualité car elles contiennent des acides aminés dits essentiels pour notre corps. Les protéines présentes dans les céréales doivent être complétées par des légumineuses pour obtenir la valeur nutritionnelle des protéines animales. Pour couvrir les besoins en protéines, il est recommandé de consommer de la viande ou un de ses équivalents 1 à 2 fois par jour. Il est également recommandé de pratiquer une activité physique de manière régulière. Elle vise à renforcer la musculature (réduisant ainsi le risque de chute), mais également l’os. La pratique de la marche à bonne cadence, 3 fois par semaine durant au moins 20 minutes, apparaît déjà comme une protection à recommander. Un programme plus spécifique («Ostéogym»), dirigé par des spécialistes, a lieu dans toutes les régions (programme disponible auprès de la Ligue contre le Rhumatisme des cantons).

Il faut cependant savoir qu’en présence d’une fragilité osseuse accrue, certains exercices peuvent se révéler nuisibles. Le médecin expliquera quels sont les types d’entraînement préconisés dans chaque cas. Une brochure éditée sous la direction de l’Association Suisse Contre l’Ostéoporose est également disponible. Un point essentiel dans la prévention est de diminuer tout facteur pouvant être à l’origine de chutes. Toutes ces mesures, bien qu’efficaces, peuvent se révéler insuffisantes pour prévenir l’apparition d’une ostéoporose. Plusieurs options thérapeutiques médicales sont alors possibles. L’hormonothérapie substitutive est une mesure efficace pour freiner la perte osseuse accélérée qui suit la ménopause et pour prévenir la survenue des fractures, notamment celle du col fémoral. Elle offre, de plus, l’avantage de traiter les bouffées de chaleurs, d’améliorer l’humeur, l’aspect de la peau et des muqueuses. L’inconvénient majeur est qu’elle augmente significativement le risque de développer un cancer du sein, après 5 à 10 ans d’utilisation.

Ceci est un fait connu depuis les années 80. L’hormonothérapie a été longtemps préconisée pour la prévention de l’ostéoporose. Il était considéré que le rapport bénéfice/ risque était tout de même favorable. Il en est actuellement tout autrement. Plusieurs études récentes ont suggéré que l’hormonothérapie substitutive pouvait être délétère sur le plan cardiovasculaire, augmentant le risque d’infarctus, d’attaque cérébrale. Face à cette controverse, nous réservons pour notre part l’hormonothérapie aux femmes récemment ménopausées, ayant des bouffées de chaleur, en l’absence de facteurs de risque de cancer du sein et cardiovasculaire, et pour une durée limitée. D’autres alternatives, existent. L’une d’elles est l’utilisation d’une famille de médicaments appelés «SERM» (modulateurs sélectifs des récepteurs aux estrogènes).

Il s’agit de dérivés hormonaux, proches des estrogènes, dont le principal avantage réside dans le fait qu’ils semblent diminuer le risque de développer un cancer du sein.

Un inconvénient de taille est qu’ils peuvent entraîner ou aggraver la survenue de bouffées de chaleurnotamment en début de traitement. L’Evista ®, seul commercialisé pour le moment, prévient de manière efficace la survenue de fractures vertébrales, mais semble peu actif pour la prévention de la fracture du col du fémur.

L’autre grande famille de médicaments utilisables pour la prévention de l’ostéoporose est celle des bisphosphonates.

Que faire en cas d’ostéoporose déjà manifeste?

Les deux classes thérapeutiques SERM et bisphosphonates sont aussi utilisables pour le traitement d’une ostéoporose déjà installée, situation dans laquelle ils sont tout à fait efficaces. Ils augmentent la masse minérale et réduisent le taux de fractures d’environ 40 à 50%. Ils constituent à l’heure actuelle le traitement de choix. Des agents stimulant la formation osseuse permettent de reconstruire de l’os mécaniquement approprié. Depuis quelques années, la parathormone (agent anabolique) a été commercialisée et, dans un avenir proche, d’autres types de traitement devraient être mis sur le marché (en particulier, le ranélate de strontium). Lorsqu’un tassement vertébral est à l’origine de douleurs difficilement contrôlables par les antalgiques habituels à doses optimales, une injection de ciment dans la vertèbre fracturée peut être parfois envisagée («vertébroplastie»). Elle permet souvent un soulagement des douleurs. Une autre technique permettrait non seulement de stabiliser la vertèbre fracturée par l’injection de ciment, mais également de restaurer sa forme par une insufflation au préalable («kyphoplastie»). Il faut tout de même mentionner qu’il s’agit de procédures nouvellement introduites, non dénuées de risque, particulièrement pour les vertèbres adjacentes. Les indications sont à réserver à des cas très particuliers.

En somme, véritable problème de santé publique, l’ostéoporose est un défi intimement lié au phénomène du vieillissement. La prise en charge devrait être idéalement envisagée avant qu’elle ne se soit manifestée par ses complications que sont les factures. Des outils diagnostiques valides sont disponibles, permettant une politique de prévention ciblée sur les personnes à risque.

Un arsenal thérapeutique vaste et efficace est à disposition. Leur place respective, et notamment celle de l’hormonothérapie, ainsi que la stratégie de traitement (choix des médicaments à utiliser en première ligne, durée de la prévention, …) sont encore à préciser.

Depuis peu, des médicaments caractérisés par un effet stimulant de la formation osseuse ont été mis sur le marché comme la parathormone. Elle permettra peut-être, comme d’autres traitements à venir, de modifier de manière significative le cours de cette maladie redoutable et insidieuse

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