Il y a quelque temps, nous n’aurions même pas été capables d’imaginer une chose telle que le microbiote. Ce n’est que grâce aux progrès de la génétique moléculaire que nous sommes en mesure de les identifier. Il s’agit en fait du génome des 100 000 milliards de bactéries qui colonisent notre tube digestif. C’est 10 fois plus que le nombre de cellules d’un corps humain. Pour aller plus loin, il s’agit d’un écosystème complexe de plus de 1014 micro-organismes présents dans notre tube digestif. Les Firmicutes et les Bacteroidetes représentent près de 70 % du microbiote humain total. Ils sont essentiels au système immunitaire humain, à la défense contre les agents pathogènes, à la récupération d’énergie, et plus encore.
Vous voulez en savoir plus ? Lisez ce qu’en dit le professeur Francisca Joly.
Qu’est-ce que le microbiote ?
Grâce aux progrès de la génétique moléculaire, il est devenu possible de décrire le gé- nome des 100000 milliards de bactéries qui colonisent notre tube digestif. Ce monde que l’on appelait flore intestinale est nommé maintenant microbiote (du grec: «petit» et «vivant»). Ce microbiote humain intestinal décrit ainsi un écosystème complexe de plus de 1014 microorganismes (principalement des bactéries) présent dans notre tube digestif et comprenant plusieurs milliers d’espèces différentes. Sa composition est variable le long du tractus digestif, la charge bactérienne augmentant à mesure que l’on se rapproche du côlon. Avec le développement de nouvelles techniques d’analyse notamment génétiques, des progrès spectaculaires ont été réalisés dans la compréhension de cet écosystème. Trois grands groupes phylogénétiques ou phyla (Firmicutes, Bacteroidetes, et Actinobacteria) et six genres bactériens (Bacteroides, Eubacterium, Clostridium, Enteroccocus Bifidobacterium et Lactobacillus) rassemblent 90 % des espèces bactériennes chez tous les individus. Les Firmicutes et les Bacteroidetes sont les groupes les plus abondants et représentent près de 70 % de la totalité du microbiote humain.
Le microbiote est essentiel dans la défense contre les pathogènes, l’éducation du système immunitaire, l’immuno-modulation, la récupération énergétique, le renouvellement de l’épithélium et le maintien de l’équilibre métabolique. Même si la composition du microbiote est assez spécifique d’un individu, les fonctions métaboliques portées par ce microbiote sont conservées parmi les hommes sains. Ainsi le microbiote intestinal est un réservoir de fonctions bactériennes communes à une grande majorité d’entre nous.
Grâce aux progrès de la génétique moléculaire, il est devenu possible de décrire le génome des 100000 milliards de bactéries qui colonisent notre tube digestif.
Ainsi, ce vaste écosystème est constitué de centaines de milliers de milliards de bactéries qui sont plus nombreuses que les cellules humaines et aussi abondantes que le nombre d’étoiles dans le ciel. Sa mise en place a lieu dès la première minute de vie, à l’instant même où le nouveau-né s’engage, lors d’un accouchement par voie basse, dans le vagin de sa mère. A la naissance, il sera instantanément colonisé par ses toutes premières bactéries. Le microbiote ne se fixera quasi définitivement que vers l’âge de 3 ou 4 ans et évoluera peu tout au long de la vie. Il compose en quelque sorte notre empreinte génétique intestinale unique. En échange du gîte et du couvert, ces bactéries amies assurent des fonctions essentielles pour notre santé. Ce sont elles qui vont contribuer à la conversion des aliments en nutriments et en énergie ainsi qu’à la synthèse des vitamines. Ce sont elles encore qui vont booster notre système immunitaire ou prévenir le cerveau de la toxicité éventuelle d’un aliment enjoignant à l’intestin et / ou à l’estomac de réagir.
Rôle du microbiote dans les maladies intestinales et non intestinales
Nous savons que certaines maladies intestinales peuvent être liées à un déséquilibre de ce microbiote, ou dysbiose. La révolution en termes de connaissances scientifiques est d’avoir mis en évidence que dans des maladies non primitivement «intestinales», une dysbiose pourrait être impliquée. Ainsi, plusieurs études ont mis en cause le microbiote intestinal dans la pathogenèse de pathologies métaboliques et neurologiques. Des modifications du microbiote pourraient contribuer au développement de maladies métaboliques, en augmentant la perméabilité intestinale, favorisant un état inflammatoire chronique qui contribuerait au développement des maladies métaboliques, des affections cardiovasculaires et de l’obésité. Un changement dans l’équilibre entre les Firmicutes et les Bacteroidetes a été rapporté dans les modèles animaux d’obésité. Il a ainsi été montré que lorsque l’on introduit chez la souris, le microbiote d’un animal obèse, cela va entrainer un surpoids. Les bactéries intestinales ont un impact sur la régulation du stockage des graisses. Aujourd’hui, des équipes travaillent sur les possibilités de moduler le microbiote intestinal et la perméabilité intestinale pour diminuer le risque des complications liées à l’obésité.
L’intestin : un organe neurologique communicant
L’intestin est assez proche du cerveau d’un point de vue anatomique. Les centaines de millions de neurones qui le tapissent sont issus de la même plaque embryonnaire puisque, lors de la formation de l’embryon, certains ont migré vers le cerveau, d’autres, vers l’intestin. Ils gardent la même capacité à communiquer entre eux, envoyer des messages, interagir. C’est le rôle du système nerveux entérique, un réseau autonome et dense de près de 9 mètres de long, richement innervé, et qui ressemble en tous points au système nerveux central. Les neurones y sont reliés entre eux et leur principale fonction est d’entrainer la motricité de l’intestin pour permettre la digestion. Cette interaction cerveau/intestin est notamment possible grâce à une clé chimique: les neurotransmetteurs, comme la sérotonine. Cette molécule dite du bien-être et présente dans le cerveau régule l’humeur. Au sein de l’intestin, elle rythme le transit et contrôle notre système immunitaire. Grâce au nerf vague, les signaux peuvent donc aller de l’intestin au cerveau et vice et versa, par voie sanguine ou en transitant par les neurones. Le microbiote intestinal pourrait donc jouer un rôle dans l’homéostasie métabolique globale mais aussi dans la physiopathologie de ces certains troubles neurologiques et psychiques. Des anomalies du microbiote ont été mises en évidence chez des patientes atteintes d’anorexie mentale.
Des affections neurologiques comme la maladie de Parkinson pourraient être associées à des anomalies du microbiote intestinal. Des cas d’amélioration des symptômes neu- rologiques ont été rapportés chez des patients atteints de maladie de Parkinson après normalisation de leurs troubles du transit par des antibiotiques tel que la vancomycine. Il est par ailleurs très intéressant de constater que lorsque l’on examine les neurones de l’intestin des patients avec la maladie de Parkinson, on trouve des anomalies spécifiques des neurones du cerveau. On se demande même, si ce n’est pas une maladie qui débu- terait par le tube digestif pour remonter aux neurones du système nerveux central.
En étudiant les anomalies digestives décrites fréquemment chez les enfants autistes, plu- sieurs équipes ont mis en évidence des anomalies du microbiote chez ces enfants. En comparant le microbiote fécal des enfants atteints d’autisme à celle de témoins sains, un nombre d’espèces de Clostridium significativement plus élevé a été mis en évidence dans le groupe autiste, ainsi que la présence de bactéries spécifiques chez les enfants autistes.
Par toutes ces études et expériences, les chercheurs ouvrent des pistes totalement nouvelles pour mieux comprendre et, on l’espère, rapidement proposer des traitements personnalisés dans ces pathologies si complexes.
Comment moduler le microbiote intestinal ?
La transplantation fécale
Le transfert de flore ou transplantation fécale désigne l’infusion d’une suspension fécale d’un sujet sain vers le tube digestif d’un autre individu et a pour objectif de restaurer une écologie microbienne adaptée au cours de maladies où le microbiote a été déséquilibré. Aujourd’hui, ce type de traitement n’est proposé en routine que dans le cadre d’une pathologie: la colite à Clostridium difficile. Le C. difficile est une bactérie qui est responsable de 20-25% des diarrhées associées à l’antibiothérapie, de 10% des diarrhées associées aux soins. La prise d’antibiotiques perturbant le microbiote intestinal est considérée comme un des principaux facteurs de risque d’infection à Clostridium difficile (ICD). La dysbiose associée à la perte de l’effet barrière (ou résistance à la colonisation) du microbiote intestinal va favoriser la colonisation par C. difficile. La reconstitution du microbiote et de son effet barrière apparait comme un moyen efficace pour combattre les infections récidivantes à C. difficile. L’efficacité de la transplantation fécale provient probablement de la capacité à reconstituer cette «barrière» chez les patients souffrant d’infections récidivantes multiples à C. difficile. La transplantation fécale est aujourd’hui considérée comme le traitement le plus efficace pour traiter les infections récidivantes multiples (> 1 récidive) à Clostridium difficile, comme en témoignent les récentes recommandations européennes et nord-américaines concernant la prise en charge des infections à C. difficile. Pour les autres indications, la transplantation fécale reste du domaine expérimental et doit s’effectuer dans le strict respect des règles de la recherche clinique.
Les probiotiques
Les probiotiques sont des micro-organismes vivants et non pathogènes disponibles le plus souvent sous forme de médicaments. Ils doivent avoir démontré un effet positif pour la santé. Mais encore faut-il savoir lesquels prendre et à quel moment, car nul ne connaît la composition exacte de son microbiote ! Des situations semblent néanmoins intéressantes ; lors des voyages pour prévenir la diarrhée du voyageur, lors de la prise d’antibiotiques mais aussi pendant et après un épisode de gastroentérite, notamment chez l’enfant. De nombreux travaux s’intéressent à l’utilisation des probiotiques pour réduire les douleurs et améliorer le transit et le confort des patients souffrant du syndrome de l’intestin irritable.
L’alimentation
Préserver notre microbiote, l’aider à se diversifier, revient à bien nourrir ses bactéries et donc à repenser notre alimentation, de façon à ce qu’elle soit équilibrée et variée. Les bactéries tentent de digérer les résidus issus de la digestion de votre repas. Et si elles ne savent pas digérer les fibres alimentaires, elles s’en nourrissent. Les fibres sont en effet indispensables à la bonne santé du système digestif: elles jouent un rôle mécanique et entretiennent le microbiote, gage d’une bonne immunité. Les fibres contenues dans les végétaux (feuilles, racines, peaux des fruits) sont en réalité des glucides, plus précisément des polysaccharides (des sucres non digestibles).
Il existe des aliments dont nos bactéries sont totalement fans. Ces éléments appelés prébiotiques, ne sont pas des organismes vivants comme les probiotiques mais sont capables de nourrir ces bactéries. Parmi les prébiotiques, on trouve l’inuline, les fructo-oligosaccharides (FOS), les galactosaccharides (GOS) et les fructanes, appelés également lactulose. Les aliments riches en fibres sont la meilleure source de ces super-champions de l’alimentation, comme par exemple l’artichaut, l’oignon, le topinambour ou la chicorée.
Si l’on veut prendre soin de son intestin, de son microbiote pour préserver sa santé, il faut privilégier la diversité pour trouver un bon équilibre alimentaire. Un changement des habitudes alimentaires même à l’âge adulte peut moduler notre microbiote. Il n’est donc jamais trop tard pour diversifier son alimentation, et penser à apporter suffisamment de fibres et prébiotiques pour nourrir notre microbiote intestinal et penser à préserver voire améliorer notre capital santé et bien-être.
Conclusion
Le microbiote intestinal est composé à lui seul de plus de 100000 milliards de micro- organismes, soit 10 fois plus que le nombre de cellules composant le corps humain. Et si l’on considère l’ADN, c’est-à-dire le matériel génétique de nos bactéries intestinales, nous portons en nous 100 fois plus de gènes bactériens que de gènes humains. Un déséquilibre de cet écosystème peut participer à l’initiation ou à la pérennisation de nom- breuses maladies chroniques intestinales ou non. Moduler le microbiote devient un axe thérapeutique d’intérêt dans de nombreuses maladies. Le microbiote devient un acteur clef en termes de prévention. Les progrès en termes d’exploration de ce microbiote sont très rapides, et il sera très probablement possible à court terme d’avoir une cartographie de notre monde intérieur et des conseils adaptés pour prévenir certaines maladies et pourquoi pas … tout simplement améliorer notre qualité de vie.
Quelques références et livres
• «L’intestin notre deuxième cerveau» de Francisca JOLY GOMEZ (Édition Marabout)
• « Bien nourrir notre intestin » de Francisca JOLY GOMEZ et Isabel GOMEZ DUBEST (Édition Marabout)
•«Les bactéries, des amies qui vous veulent du bien» de Anne-Marie CASSARD et Gabriel PERLEMUTER (Édition Solar)
• « Le charme discret de l’intestin » de Giulia ENDERS (Actes Sud Éditions)
• «Le syndrome de l’intestin irritable: les raisons de la colère» de Jean-Marc SABATTE (Édition Larousse)
www.gftf.fr: Groupe français de transplantation fécale
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