La médecine intégrative touche divers problèmes en urologie. Elle va de l’élargissement du pénis au cancer de la prostate, en passant par la prostatite chronique, les maladies du rein, de la vessie, etc. Elle tente d’intégrer différents systèmes biologiques et physiologiques du corps. Une alimentation saine joue également un rôle essentiel dans la prévention de ces maladies. D’autres facteurs seraient d’avoir une bonne nuit de sommeil et de réduire le stress lorsque cela est possible. Il existe également des traitements médicamenteux, des pompes à vide, des compléments alimentaires, etc. Les chercheurs travaillent et étudient également de nouveaux traitements, principalement en raison de la recherche ciblée sur les inhibiteurs d’arginase.
Vous voulez en savoir plus ? Continuez à lire l’article du Dr Alain Bitton.
Déjà Hippocrate disait «Fais de la nourriture ta médecine». Depuis plus de 20 ans la médecine intégrative essaie d’apporter une vision plus globale en intégrant les différents systèmes biologiques et physiologiques du corps humain dans la prise en charge de ses dysfonctionnements. Cette approche que l’on pense nouvelle et qui a même été taxée de « réductrice», n’est en fait qu’une remise à jour d’une approche plus globale de la médecine avant que la technologie ne fragmente et n’isole les organes du corps en hyperspécialisant leur prise en charge. Il s’agira aujourd’hui d’intégrer à nouveau les différents organes du malade dans son corps afin d’aller au cœur du problème de manière métabolique et structurée.
En urologie également, la médecine intégrative a sa place.
Les domaines concernés sont vastes: hypertrophie bénigne et cancer de la prostate, maladies lithiasiques du rein et de la vessie, prostatite chronique et syndrome de dysfonction pelvienne. Nous avons choisi pour une première approche de nous concentrer sur les domaines qui touchent plus particulièrement la santé sexuelle. Dans cet article nous parlerons de la dysfonction érectile. La déficience androgénique liée à l’âge (DALA), communément appelée Andropause sera traitée dans un prochain article à paraître en 2020.
Approche diagnostique
Depuis l’avènement des inhibiteurs de l’enzyme Phosphodiestérase 5 (PDE-5) comme traitement de première ligne, le corps médical a commencé à mieux comprendre et intégrer le phénomène de la dysfonction érectile (DE) dans un contexte plus global de dysfonction organique et plus spécifiquement neuro-vasculaire. Ce phénomènesymptôme clé des maladies cardio-vasculaires touche près d’un tiers des hommes tout âge confondu et quasi un homme sur deux à partir de 50 ans. Physiologiquement, la garantie d’une fonction érectile de qualité doit intégrer un bon fonctionnement neuro-vasculaire au niveau de la cellule musculaire lisse de l’endothélium du corps caverneux du pénis, médié notamment par un neurotransmetteur essentiel, le NO (monoxyde d’azote). Toute perturbation inflammatoire du fonctionnement de l’endothélium va entraîner par voie de conséquence une perturbation, parfois irréversible des petites artères péniennes. Il apparaît donc que le bilan d’une dysfonction érectile quelque soit son étiologie constitue une fenêtre d’opportunité diagnostique majeur pour l’ensemble des maladies cardio-vasculaires et surtout de la qualité de l’endothélium vasculaire. Dans son approche diagnostique, le médecin devra donc orienter son anamnèse et ses premiers examens cliniques et paracliniques à la recherche des maladies d’organes et surtout cardio-vasculaires (cardiopathies, maladies coronariennes et hypertensives) sans oublier les dyslipidémies tel que le diabète ou le syndrome métabolique. Chez les patients présentant des symptômes de déficience à la testostérone après 50 ans, il faudra rechercher un hypogonadisme (examen clinique et dosage de la testostérone sanguine). En effet, on estime la prévalence de l’hypogonadisme masculin de 5 à 15% augmentant avec l’âge.
Approche intégrative
Prévention avant tout
Les nouvelles données de médecine intégrative, notamment en cardiologie métabolique mettent en évidence le rôle essentiel de la prévention axée sur les facteurs de risque bien connus tels que l’hypertension, les maladies coronariennes et les maladies métaboliques, notamment l’hypercholestérolémie et les dyslipidémies. Concernant le rôle délétère du cholestérol, notamment le «mauvais » LDL cholestérol, réputé pour être athérogène, ce dernier devrait être, en effet, nuancé compte tenu du fait que ce sont surtout les particules de cholestérol qui devenues inflammatoires, seraient problématiques et non pas le cholestérol en soit.
En tout état de cause, il faut mentionner le fait que tout dysfonctionnement érectile au niveau de l’endothélium de la cellule musculaire lisse du corps caverneux procède d’un dysfonctionnement plus global au niveau de l’endothélium vasculaire dans tout le corps.
Il faudra donc agir sur les facteurs de risque et promouvoir une alimentation équilibrée avec une diminution des phénomènes inflammatoires, notamment diminuer la résistance à l’insuline en évitant tous les sucres et notamment le fructose, agir sur la perte de poids avec une correction du BMI (index de masse corporelle) et de masse grasse, l’exercice physique régulier (aérobique et anaérobique), voire quotidien selon des programmes adaptés à chacun. De plus, un contrôle strict de la tension artérielle s’impose, avec des prises régulières chez le médecin. Les autres facteurs importants dans l’équilibre sont le contrôle des heures de sommeil, qui devraient idéalement compter entre 7 et 9 h par nuit, ainsi que la diminution des facteurs de stress. Certains ont également fait mention de facteurs exogènes qui se comporteraient comme de véritables destructeurs endocriniens en perturbant le bon fonctionnement de certaines glandes endocrines du corps (thyroïde, hypophyse, pancréas). A cet effet, il faut citer les toxiques et pesticides environnants ainsi que les hormones féminines (pilules contraceptives) déversées dans les eaux.
Traitements médicamenteux
Inhibiteurs de la 5-Phosphodiestérase (PDE-5)
Une fois le programme de prévention et correction d’éventuels facteurs de risque mis en place, des traitements médicamenteux peuvent être envisagés. Ces médicaments dont les chefs de file sont le Sildénafil, le Tadalafil et le Vardénafil sont les traitements les plus efficaces et les plus couramment prescrits dans le traitement de la DE.
Hormis quelques différences structurelles et concernant les effets secondaires ou la durée d’action (tableau 1), ces molécules ont le même mode de fonctionnement: relâ-chement de la cellule musculaire lisse de l’endothélium caverneux par inhibition de la dégradation de la 5-phosphodiestérase (figure 1). Ceci aboutit à un prolongement de la relaxation vasculaire et du temps de remplissage du corps caverneux permettant une érection de qualité.
Depuis la découverte du Sildénafil en 1998 (notamment au cours de travaux de recherche sur la contractilité de la cellule musculaire lisse cardiaque), et des autres molécules similaires, les inhibiteurs de la PDE5 ont été largement prescrits à des millions de personnes dans le monde. Les résultats sont excellents en termes de fonctionnement et de qualité de vie. Lorsque les indications et surtout les contre-indications sont bien respectées, ces traitements sont sûrs, très bien tolérés et largement utilisés.
Injections de prostaglandine intra-caverneuse (Caverject, Edex)
La prostaglandine E1 ou Alprostadil est utilisée en injection diagnostique ou auto-injection par le patient lui-même au niveau du corps caverneux, lorsque les médicaments oraux ne sont pas assez efficaces.
Cela concerne surtout les dysfonctionnements érectiles sévères et parfois les patients diabétiques ou après chirurgie radicale pelvienne pour cancer de la prostate. Grâce à un piston très simple d’utilisation, le patient pourra préparer lui-même sa seringue et adapter le dosage (de 5 à 20 microgrammes) en fonction des besoins. L’érection peut durer de 2 à 4 heures. Malgré son efficacité, le principe ne fait pas l’unanimité notamment en raison de l’aspect plus invasif et moins romantique que la prise d’un traitement médicamenteux qui, lorsqu’il est bien pris peut être discret notamment vis-à-vis du ou de la partenaire, ce qui ne perturbe en rien la relation amoureuse. L’injection peut être parfois douloureuse au point de ponction. Il faudra veiller à ne pas piquer dans une veine et surtout de consulter en urgence en cas de priapisme (érection prolongée douloureuse malgré l’éjaculation) mettant en danger le pronostic vital de l’organe.
L’aprostadil peut également être utilisée en suppositoire ou instillation intra-urétrales. Cette forme contenant 1000 microgrammes de prostaglandine est plus simple d’utilisation mais moins efficace que l’injection intra-caverneuse et sera surtout utilisée en appoint avec d’autres traitements.
Pompe à vide (Vacuum, Erec-Aid)
Pour certains patients plus ouverts et motivés, existe la possibilité d’utiliser un système d’aide à l’érection sous forme d’une pompe à vide. Le système permet d’obtenir une érection puis de la maintenir grâce à un anneau de constriction. Ces pompes sont efficaces dans les cas de DE, après chirurgie pelvienne, radiothérapie ou dans des cas de déviation pénienne comme la maladie de La Peyronie. La plupart des patients sont très satisfaits et la pompe représente un bon compromis pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent prendre des médicaments à long terme ou qui ne sont pas prêts pour l’implantation d’une prothèse pénienne.
Compléments alimentaires
Pour les patients qui désirent débuter un traitement naturel avant d’envisager une molécule chimique, il existe dans la littérature plusieurs évidences scientifiques de l’efficacité de certaines substances, dont on trouve les principales caractéristiques dans le tableau 2. Il faudra bien évidemment être prudent avec ces prescriptions même si elles sont « naturelles », car l’internet foisonne d’avis divergents et les sites très nombreux qui les recommandent sans suivi médical ne sont pas toujours fiables. Il faut également mentionner que globalement ces traitements sont réservés pour des cas de dysfonctionnement léger ou modéré.
L’utilisation de compléments alimentaires peut également être extrêmement bénéfique dans le but d’améliorer ou de préserver la fonction endothéliale, comme mentionné en cardiologie métabolique. Les substances recommandées et le plus couramment utilisées sont le Coenzyme Q10, le Sélénium, la L-Carnitine, le Magnésium ainsi que les vitamines C, D et E entre autres. La prise de ces traitements, quoique d’origine naturelle doit toujours être contrôlée par un médecin compétent.
Médecines alternatives
Nous manquons encore de recul par rapport à l’efficacité de certaines thérapies alternatives dans le traitement de la DE, telles que l’acupuncture ou la massothérapie. Certaines manipulations en chiropraxie ou ostéopathie ont permis une certaine amélioration de symptômes pelvi-périnéaux dans la prise en charge des prostatites inflammatoires souvent associées à la DE chez le patient jeune.
Comme nouvelle méthode de traitement non invasive, il faut mentionner l’hyperthermie transcutanée (i-wave/Thermowave), qui permet grâce à l’application de chaleur par voie externe et par paliers à 44°C au niveau des régions périnéal et vésico-prostatique, une redistribution de la vascularisation et une amélioration du flux sanguin au niveau pénien et périnéal. Ceci permet en plus de l’amélioration des symptômes de prostatite ou de dysfonction pelvi-périnéal, d’augmenter les performances sexuelles par régularisation du flux sanguin au niveau des petites artères des organes génitaux. Les premières expériences cliniques à ce sujet sont extrêmement prometteuses.
Intégration corps-esprit
Le désir sexuel, la libido et l’orgasme sont médiés par des mécanismes psycho-neurologiques complexes. Tout débute au niveau des centres cérébraux de l’hypothalamus où les désirs sont générés et intégrés. Puis, il y aura un relai au niveau du centre sympathique thoraco-lombaire de l’érection, du centre réflexogène parasympathique sacré jusqu’à l’effecteur distal qui est situé au niveau des organes génitaux externes dont notamment le pénis.
Il est important de rappeler que même si le substrat anatomique et physiopathologique des dysfonctionnements sexuels est bien réel, l’aspect psychologique prend souvent le dessus. En effet, le cerveau comptabilise les échecs et les pannes sexuelles peuvent entraîner doute, angoisse, manque de confiance en soi chez l’homme et parfois même dépression. Il faudra bien évidemment en tenir compte dans la prise en charge diagnostique et thérapeutique du patient et surtout dans l’approche de la thérapie de couple.
Action sur les facteurs de risque
Comme déjà mentionné, la DE peut être considérée comme un symptôme précoce (apparaissant en moyenne 2 à 3 ans avant l’apparition de l’affection en cause) de maladies chroniques comme les troubles cardiovasculaires ou les dyslipidémies. Il faut également mentionner le fait que même si certaines maladies cardiovasculaires comme l’hypertension sont bien contrôlées par la prise de médicaments, ces derniers sont les premiers responsables d’une DE d’origine médicamenteuse en raison de la baisse de perfusion artérielle entrainée au niveau des petites artères péniennes.
Hormis l’hypertension, le fameux syndrome métabolique joue un rôle essentiel dans la pathogénèse de la DE. Chez les hommes atteints d’un diabète, la prévalence de la DE est élevée à près de 89%, tandis que l’obésité définie par un BMI supérieur à 30 double le risque de développer une DE. La consommation d’alcool et de tabac sur une base régulière augmente également le risque de DE de manière significative. Pour toutes ces raisons, il sera impératif de corriger les facteurs de risque cardiovasculaires ainsi que les troubles métaboliques. Il est de plus, important de comprendre que les maladies chroniques précitées apparaissent rarement du jour au lendemain. Il existe une sorte de «continuum» métabolique le long duquel le patient évolue et présente tout d’abord une résistance à l’insuline progressivement plus importante avant de développer un diabète ou un syndrome métabolique. Le principe est le même pour l’hypertension. Un patient peut commencer à développer une rigidité inflammatoire des artères du corps même avec une tension artérielle considérée comme normale (13/8 cm Hg), avant que ne s’installe une hypertension de manière sournoise et silencieuse. La dysfonction érectile en est souvent le symptôme unique et précoce. C’est donc à ce niveau qu’il faudra agir pour corriger les facteurs de risque et adapter l’hygiène de vie par un contrôle de l’alimentation, une suppression des facteurs alimentaires ou environnementaux pro-inflammatoires et l’exercice physique régulier. Une action proactive dans cette fenêtre d’opportunité per-mettra ainsi d’éviter au patient d’entrer dans un état irréversible de dysfonction endothéliale globale qui se manifestera par un dysfonctionnement érectile, puis sexuel.
Dans le domaine de l’alimentation, une emphase toute particulière est mise sur l’application d’une alimentation méditerranéenne dite crétoise (fameux régime d’Okinawa), favorisant les graisses et huiles polyinsaturées de type oméga-3 et oméga -6 que l’on trouve dans l’huile d’olive, la prise régulière de fruits et légumes frais et la diminution voire la suppression de pâtes et sucres raffinés, d’excitants tels que le café ou le tabac.
Nouvelles thérapies
Des nouveaux traitements sont à l’étude notamment grâce à la recherche ciblant les inhibiteurs de l’arginase. Cette enzyme possède une compétition sélective pour le NO au niveau de la L-arginine. Il a été démontré une augmentation de l’expression et l’activité de l’arginase au niveau du corps caverneux, pouvant expliquer la DE. Une inhibition sélective de l’arginase permettrait d’augmenter le flux sanguin artériel au niveau du pénis.
La thérapie génique est également un domaine en pleine essor et très prometteur. Des recherches en cours ciblent l’arginase notamment grâce à des marqueurs tels que Rho A / Rho-kinase (ROCK) et p38-MAPK. Un autre exemple inclut des travaux sur le gène de la protéine Maxi-K (MKPG) exprimé en tant que canal ionique au potassium dont la fonction est d’initier et de maintenir l’érection grâce à un gradient ionique de part et d’autre de la cellule musculaire lisse du corps caverneux. Toutes ces découvertes permettraient d’ouvrir une porte à une toute nouvelle thérapie génique dans le traitement de la dysfonction érectile. Ces traitements, s’ils deviennent opérationnels permettraient d’être utilisés seuls ou en association avec les inhibiteurs de la 5-Phosphodiestérase et auraient l’avantage de pouvoir être prescrits sans risque important à des patients sous dérivés nitrés ou autres médications cardiaques. La thérapie génique pourrait également ne pas avoir l’inconvénient invasif et peu romantique des injections intra-caverneuses.
Conclusion
Même s’il existe des médicaments très efficaces pour traiter la DE, la prévention des facteurs de risque que constituent les maladies cardio-vasculaires et métaboliques, joue ici un rôle majeur en préservant d’une part la santé métabolique de l’homme mais, d’autre part, en évitant de développer une dysfonction érectile extrêmement angoissante pour le patient qui risque d’entraîner frustrations, problèmes dans le couple avec perte de l’estime de soi et de l’identité aboutissant parfois à une rupture. C’est à ce niveau que la médecine intégrative et fonctionnelle prend toute sa place en permettant d’aborder globalement la problématique du patient et en axant la prise en charge initiale sur la prévention des facteurs de risque et les traitements naturels et alternatifs avant la prescription de molécules chimiques.
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