La propagation mondiale du nouveau coronavirus SARS-CoV-2 et ses conséquences parfois désastreuses sur l’état de santé d’une fraction de la population suscite naturellement un grand intérêt sur les moyens éventuels destinés à mieux lutter contre cet agent pathogène. La vaccination est un moyen efficace qui consiste à protéger un individu contre une affection virale en stimulant son système immunitaire. Le rôle du vaccin préventif antiviral est d’apprendre au système immunitaire à reconnaître et neutraliser spécifiquement un virus.
Tout d’abord, qu’est-ce qu’un virus ?
Un virus est une particule infectieuse ultramicroscopique qui ne peut survivre et se répliquer qu’en pénétrant dans une cellule et en utilisant sa machinerie cellulaire. Les virus altèrent et détournent les fonctions intracellulaires à leur profit, avec pour objectif final de transformer l’organisme infecté en agent contaminant, capable de propager l’infection et d’assurer ainsi leur propre survie.
Les virus sont très divers. Toutefois, ils comportent toujours un génome constitué d’ADN ou d’ARN, soit nu, soit emballé dans une coque protéique appelée capside. Les plus simples ne comportent que quelques gènes alors que d’autres en possèdent des centaines. Les protéines de la capside constituent avec d’autres molécules, les déterminants antigéniques ou antigènes viraux, c’est-à-dire la « carte d’identité du virus », reconnue par le système immunitaire.
Comment un virus peut-il nous rendre malade ?
Les maladies provoquées par les virus sont, le plus souvent, les effets collatéraux de leur multiplication dans l’hôte infecté.
Les symptômes de la maladie peuvent être la conséquence directe de l’infection, lorsque la production virale provoque des dégâts dans les cellules infectées. La gravité de ces symptômes est alors proportionnelle à l’étendue de la destruction ou des altérations cellulaires dues au virus lui-même.
D’autres dégâts cellulaires résultent de la réaction immédiate de l’organisme ayant pour but de détruire l’usine à virus potentielle que deviendrait inévitablement la cellule infectée. C’est ce que l’on appelle la réponse immune « innée » qui permet de neutraliser plus de 90% des infections et de préparer une deuxième ligne de défense immunitaire plus tardive, la réponse « adaptative ». La réponse immune adaptative, survenant 8 à 10 jours après l’infection, se caractérise par la production d’anticorps destinés à neutraliser le virus et par celle de cellules spécialisées dans la destruction des cellules infectées, les lymphocytes T cytotoxiques.
Le virus peut donc induire directement la mort cellulaire, provoquant des symptômes locaux plus ou moins graves, du simple mal de gorge à la pneumonie virale. L’activation de la réponse innée peut générer, par le biais de l’inflammation, des symptômes généraux (fièvre, douleurs articulaires, musculaires, céphalées…). La destruction des cellules infectées peut également résulter des défenses immunitaires qui se mettent en place lors de la réponse adaptative, notamment l’action des lymphocytes T cytotoxiques.
Finalement, les virus peuvent provoquer des maladies parce que l’infection virale va favoriser la survenue d’infections par d’autres agents pathogènes. La destruction de l’épithélium respiratoire, par exemple, peut faire le lit de surinfections par des bactéries, un facteur d’aggravation de la maladie.
Quel est le principe du vaccin antiviral ?
Les mécanismes de défense sollicités sont les mêmes que ceux mis en jeu lors d’une infection virale.
La vaccination permet en outre de développer des cellules immunitaires dites « mémoires » et des anticorps spécifiques qui vont persister plusieurs années dans l’organisme. Ces lymphocytes « mémoires » sont ainsi capables de reconnaître immédiatement le virus s’il venait à contaminer à nouveau l’individu et vont le protéger contre une éventuelle future infection.
Pour apprendre au système immunitaire à reconnaître l’agresseur, la vaccination consiste à lui présenter préalablement soit le virus lui-même rendu non dangereux, soit sa « carte d’identité » constitué d’un de ses déterminants antigéniques, qui va être reconnu comme étranger à l’organisme.
Chez le coronavirus responsable de la Covid 19 (SARS-Cov-2), le déterminant antigénique est la molécule qui tapisse sa surface et lui donne sa forme de couronne, appelée protéine de spicule (ou Spike protein en anglais).
Les progrès de la biologie cellulaire et moléculaire permettent aujourd’hui d’identifier les sous-unités des agents infectieux nécessaires et suffisants pour provoquer une réponse du système immunitaire. Grâce à ces nouvelles connaissances, il est possible d’améliorer l’efficacité des vaccins et de limiter leurs effets secondaires.
Les vaccins à virus
Les vaccins contenant les virus responsables de la maladie ciblée sont le type de vaccin le plus ancien. Ils peuvent contenir un virus vivant ou un virus tué.
• Les vaccins à virus atténué
Le principe est d’injecter à la personne une version affaiblie du virus qui provoque habituellement la maladie. Ce virus atténué est bien « vivant », mais n’a plus de pouvoir pathogène. La plupart du temps, le virus peut continuer à se répliquer, mais pas suffisamment pour être une menace pour l’organisme.
Un virus vivant atténué possède l’avantage de provoquer une réponse immunitaire complète et robuste ainsi qu’une immunité durable, sans besoin d’adjuvant (produit utilisé pour amplifier la réponse immunitaire).
Cependant, ce type de vaccin peut présenter des risques pour les personnes dont le système immunitaire est fragile et moins apte à lutter contre un virus, même atténué : il n’est donc pas recommandé pour les personnes à risque.
Les vaccins à virus atténué demandent en outre à être réfrigérés et protégés de la lumière, ce qui peut compliquer leur transport et leur conservation.
• Les vaccins à virus inactivé
Le virus injecté a été « tué » par la chaleur, les radiations ou l’exposition à des agents chimiques. Il a perdu sa capacité à se répliquer dans l’organisme mais il a gardé suffisamment de son intégrité physique pour être reconnu par le système immunitaire.
Si cette méthode est plus sûre que celle des virus atténués, surtout pour les personnes fragiles, la protection immunitaire qu’elle confère est moins durable et moins complète, car le traitement physique des virus peut endommager une ou plusieurs de ses protéines antigènes. Il nécessite donc l’emploi d’adjuvants, tels que les sels d’aluminium, ainsi que l’injection de plusieurs doses pour créer une protection efficace.
• Les vaccins à vecteur viral
Ce type de vaccin contient aussi des virus, mais différents de ceux qui provoquent la maladie contre laquelle l’on souhaite être immunisé. Ces virus, inoffensifs pour l’homme, sont utilisés pour délivrer la carte d’identité du virus que l’on veut combattre, aux effecteurs du système immunitaire. Ils ont été modifiés pour que leur génome transporte la séquence nécessaire à la fabrication de l’antigène du virus contre lequel on souhaite immuniser l’organisme. Une fois injectés dans l’organisme, ces virus vaccinaux commencent à infecter nos cellules et à insérer leur matériel génétique – y compris le gène de l’antigène – dans les noyaux des cellules. Les cellules humaines fabriquent alors l’antigène viral comme s’il s’agissait d’une de leurs propres protéines et celui-ci se présente à leur surface aux côtés de nombreuses autres protéines. Lorsque les cellules immunitaires détectent l’antigène étranger, elles déclenchent une réponse immunitaire contre cet antigène.
– Il existe des vaccins à vecteur viral réplicatif qui utilisent des virus capables de se répliquer dans le corps humain, mais que l’on a affaiblis pour leur ôter tout pouvoir pathogène, ou choisis parce qu’ils n’en ont pas ou peu.
Cette technique permet d’obtenir une forte réaction immunitaire, ainsi qu’une protection durable. Cependant, elle est coûteuse et complexe et son efficacité peut être compromise si la personne a déjà été en contact avec le virus choisi pour livrer l’antigène. Ce dernier ne doit pas déclencher de réaction immunitaire contre sa version « originale », au risque de se faire éliminer avant d’avoir réussi à immuniser l’organisme contre l’antigène dont il est porteur.
– Les vaccins à vecteur viral non réplicatif ont un fonctionnement similaire à ceux qui utilisent des vecteurs viraux réplicatifs mais sont incapables de fabriquer de nouvelles particules virales : ils ne produisent que l’antigène viral.
Cette technique, utilisée en thérapie génique depuis longtemps, est considérée comme très sûre, mais longue à développer. Contre le Covid-19, les adénovirus sont particulièrement utilisés par les chercheurs. Cette famille de virus, connue pour provoquer surtout des infections respiratoires banales, offre une bonne stabilité, une grande sûreté et une simplicité de manipulation avantageuse. C’est le principe du vaccin anti-Covid d’AstraZeneca, et celui du vaccin russe Sputnik V développé par le Gamaleya Research Institute.
Les vaccins à protéines
Ce type de vaccin est une technologie plus récente. Il consiste à injecter des protéines du virus contre lequel on souhaite protéger l’organisme. On distingue :
• Les vaccins à sous-unités protéiques
Ces vaccins sont souvent assez simples. Ils ne contiennent que des protéines du virus, lesquelles seront directement injectées dans l’organisme et reconnues comme des antigènes.
Puisque aucun composant « vivant » n’est injecté, la méthode est considérée comme particulièrement sûre. Mais, du fait que ces protéines sont injectées seules, la réaction immunitaire obtenue est souvent relativement faible et doit être amplifiée par l’utilisation d’adjuvants. Cette méthode peut également avoir des coûts et un temps de développement importants.
• Les vaccins à particules pseudovirales
Ils contiennent des protéines assemblées entre elles pour constituer une structure à la surface de laquelle se trouve l’antigène viral. Cette structure, dite « recombinante », n’est pas infectieuse, puisqu’elle est vide, mais elle imite assez bien la forme du virus.
Ce type de vaccin permet d’obtenir une excellente réponse immunitaire, mais il est techniquement difficile à fabriquer et requiert de lourds investissements.
Les vaccins à matériel génétique
Les vaccins à acides nucléiques (ADN ou ARN) constituent une nouvelle approche vaccinale. Ces vaccins d’un genre nouveau ne contiennent aucun virus complet, mais seulement son matériel génétique, qui après avoir pénétré les
• Les vaccins à ADN
Les molécules d’ADN injectées portent les gènes du virus responsable de la synthèse de son antigène. Une fois à l’intérieur de la cellule, ces gènes sont transcrits et « lus » par la machinerie cellulaire, qui fabrique la protéine correspondante. Les protéines virales ainsi fabriquées sont présentées à la surface de la cellule et identifiées comme étrangères à l’organisme par le système immunitaire. La réaction immunitaire générée est généralement modérée et requiert l’utilisation de produits adjuvants ainsi que l’administration de plusieurs doses à quelques semaines d’intervalle, pour espérer conférer une protection durable. Aucun vaccin à ADN destiné aux humains n’a été à ce jour commercialisé.
• Les vaccins à ARN
Ces vaccins fonctionnent de manière similaire aux vaccins à ADN, mais avec un autre type de matériel génétique : l’ARN messager. L’ARN messager constitue une « photocopie » temporaire d’un fragment d’ADN, destinée à être lue par les ribosomes qui vont fabriquer une protéine conforme à l’instruction génétique fournie par l’ADN. Une fois injecté, l’ARN messager entre dans les cellules humaines grâce à une enveloppe spéciale faite de lipides, laquelle fusionne avec la membrane cellulaire à son contact. L’ARN messager va alors directement faire synthétiser la protéine virale par les ribosomes. La suite est la même que pour les vaccins à ADN : les protéines virales exprimées à la surface des cellules sont détectées et déclenchent la réaction immunitaire souhaitée. Un des avantages de ce vaccin est que l’ARN messager, contrairement à l’ADN, ne s’intègre pas dans le noyau de la cellule, ce qui diminue fortement les risques de génotoxicité (modification de l’ADN de nos cellules). L’ARN messager peut aussi être rapidement modifié de façon à répondre à une éventuelle mutation du virus entrainant l’apparition de nouveaux antigènes viraux. Toutefois l’ARN messager est moins stable que l’ADN : il doit donc être protégé par une enveloppe lipidique et conservé à très basse température. Deux vaccins à ARN anti SARS-CoV-2 sont actuellement disponibles, celui de Pfizer- BioNtech et celui de Moderna.
Pourquoi se faire vacciner ? Un bénéfice individuel, mais aussi collectif…
La diffusion d’une maladie contagieuse au sein d’une population est directement liée à la proportion de sujets susceptibles de la contracter : ainsi, plus le nombre de personnes vaccinées augmente, plus le risque de transmission diminue. Et lorsque ce nombre devient très important, les personnes immunisées font barrage entre les individus contagieux et les individus non immunisés. Le pathogène cesse alors de circuler dans la population. Une telle protection de groupe protège donc les sujets vaccinés, mais aussi les non vaccinés.
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