Il n’existe aucun moyen d’éviter le vieillissement, pas encore en tout cas. En vieillissant, le dysfonctionnement progressif de nos cellules, de nos organes, etc., entraîne un facteur de risque plus élevé de maladies. Ces maladies comprennent le cancer, les problèmes neurodégénératifs, les maladies cardiovasculaires, les rhumatismes, etc. La vitesse à laquelle nous vieillissons est étroitement liée à nos gènes ainsi qu’à des facteurs environnementaux et au mode de vie. La composante génétique moyenne dans la détermination de l’espérance de vie est d’environ 25 % et s’est maintenue comme telle tout au long de l’évolution. Le gène ApoE est le premier gène à être lié à la longévité. Foxo et Clotho sont également des gènes qui influencent notre longévité en prenant soin de notre corps.
Si vous voulez en savoir plus, continuez à lire l’article du professeur Jacques Proust.
L e vieillissement est un processus biologique inévitable et progressif qui se traduit par une dysfonction et finalement une détérioration des tissus et des organes. Ce dysfonctionnement progressif des cellules, des organes, des systèmes et finalement de l’ensemble de notre organisme constitue un facteur de risque majeur pour la survenue de pathologies liées à l’âge telle que le cancer, les affections cardio-vasculaires, les maladies neuro-dégénératives, rhumatismales et inflammatoires. La survenue de ces affections aussi bien que la dégradation physiologique et l’amenuisement des capacités de réserve, affecte évidemment notre durée de vie.
La rapidité et l’intensité du processus de vieillissement est sous la dépendance d’interactions étroitement régulées entre des facteurs génétiques et environnementaux et/ ou comportementaux. En fonction de leur constitution génétique, de leur histoire de vie et de leurs facteurs de risque, certaines personnes résistent mieux et plus longtemps que d’autres à la détérioration physiologique qui caractérise l’avance en âge. Dans une population de longévité ordinaire, la composante héréditaire intervient pour 25% dans la durée de vie. Cette contribution génétique augmente avec l’âge atteignant 33% chez les femmes et 48% chez les hommes centenaires. A l’issue de plus de 20 ans de recherche scientifique, on a pu établir que la longévité est influencée par des gènes et des voies biochimiques hautement conservées au cours de l’évolution des espèces. C’est à dire que ce sont les mêmes gènes, encodant les mêmes voies biochimiques qui vont être les déterminants de la durée de vie d’espèces aussi divergentes sur le plan de l’évolution que les levures, les vers, les mouches et les souris…
Examinons quelques-uns de ces gènes…
ApoE: un gène associé à une longévité humaine exceptionnelle
Le gène ApoE (Apolipoprotéine E) est le tout premier gène dont on a démontré qu’il était associé à une grande longévité chez l’homme, tout au moins en ce qui concerne ses allèles (variants génétiques) E2 et E3. Alors que les allèles E2 et E3 sont retrouvés avec une plus grande fréquence chez les centenaires, le variant E4 est associé à certaines affections liées à l’âge, notamment les pathologies cardio-vasculaires et la maladie d’Alzheimer et donc à un risque important de mortalité. Selon le génotype présent (E2, E3 ou E4), le produit du gène ApoE va influencer de manière positive ou négative certains mécanismes biologiques fondamentaux à l’origine du phénomène de vieillissement, en particulier:
• la stabilisation et la solubilisation des lipoprotéines (protéines transportant les graisses dans le sang) en partie responsables de la régulation du niveau de cholestérol
• le stress oxydatif et la production des radicaux libres (des molécules oxydantes, produit de notre métabolisme, hautement réactives et en partie responsables de la détérioration moléculaire liée à l’âge)
• l’activité et le renouvellement des mitochondries (les batteries de nos cellules dont la production énergétique décroit avec le temps)
• l’élimination de mitochondries endommagées et inefficaces (mitophagie)
• l’élimination des molécules détériorées (autophagie) dont l’accumulation perturbe gravement le fonctionnement cellulaire
• la fonction immunitaire dont l’efficacité diminue avec l’âge
• l’inflammation qui dépasse ses buts et devient néfaste avec le vieillissement, responsable de ce que l’on appelle « inflammaging»
Foxo: une famille de gènes déterminants pour la longévité humaine
Des études récentes ont révélé que les activités encodées par les gènes Foxo (Forkhead box O) jouaient un rôle essentiel dans le vieillissement et la longévité. Le génome des invertébrés ne comporte qu’un seul gène Foxo alors que les mammifères sont équipés avec quatre gènes Foxo. L’unique gène Foxo retrouvé chez l’hydre (polype d’eau douce) est responsable de sa quasi immortalité en maintenant constant le renouvellement de ses cellules souches. Chez les organismes plus complexes, les gènes Foxo se sont dupliqués au cours de l’évolution et se sont diversifiés dans leurs fonctions.
Chez les mammifères, cette famille de gènes contrôle directement ou indirectement des mécanismes biochimiques essentiels au fonctionnement optimal des différents composants de notre organisme. Les gènes Foxo sont particulièrement impliqués dans :
• La réparation des dégâts moléculaires et notamment de l’ADN
• L’élimination et le recyclage des molécules endommagées (autophagie)
• La protection contre le stress oxydatif induit par les radicaux libres
• L’élimination des cellules dysfonctionnelles (apoptose)
• La maintenance des cellules souches
• La régulation du système immunitaire et des mécanismes de l’inflammation
• L’inhibition de la prolifération des cellules cancéreuses
L’ensemble de ces activités de maintenance et de réparation développées par la famille Foxo s’oppose directement aux mécanismes fondamentaux à l’origine du phénomène de vieillissement. En raison de ses actions et de sa position stratégique au sein des voies biochimiques intra-cellulaires, le gène Foxo3 paraît jouer un rôle de premier plan dans les mécanismes moléculaire de la longévité. Chez l’homme, on a retrouvé une association entre certains variants du gène Foxo3 et une grande longévité. Onze études indépendantes de populations, d’origine génétique diverse, dans différents pays, ont confirmé cette association. Il reste à déterminer quelles fonctions précises de ces variants génétiques sous-tendent cette résistance au vieillissement.
Klotho: un gène suppresseur du vieillissement…
Klotho est le nom de l’une des trois Moires de la mythologie grecque dont le rôle était de déterminer la durée de la vie de chacun. Klotho filait le fil de la vie, Lachesis le mesurait et Atropos le coupait.
Klotho est un gène dont la mutation spontanée «perte de fonction» entraine un vieillissement accéléré chez une lignée particulière de souris. Les souris porteuses de cette mutation manifestent un retard de croissance et des modifications physio-pathologiques habituellement associées au vieillissement telles que calcifications vasculaires, ostéoporose, et défaillances organiques multiples conduisant à une fin prématurée à l’âge de 2 ou 3 mois (l’espérance de vie d’une souris de laboratoire dépasse généralement 2 ans). Inversement, la surexpression du gène Klotho, par manipulation génétique chez la souris accroit sa durée de vie. Le gène Klotho, comme les gènes Foxo, est hautement conservé au cours de l’évolution.
Le produit du gène Klotho (c’est à dire la protéine Klotho) est soit liée à la membrane des cellules soit sécrétée sous forme soluble: elle fonctionne alors comme une hormone et exerce ses effets biologiques à distance sur les différent organes et systèmes. La concentration de la protéine Klotho dans le plasma diminue avec l’âge. Le défaut de production de Klotho est associé à de multiples affections classiquement observées au cours du vieillissement, telles que cancer, insuffisance rénale chronique, diabète, hypertension, atrophie cutanée…
La façon dont Klotho exerce ses activités anti-vieillissement est encore l’objet de nombreuses études. On sait que Klotho est impliqué dans :
• Le contrôle de l’inflammation
• L’inhibition de la production des espèces réactives de l’oxygène
• L’amélioration du phénomène de sénescence cellulaire (entrée en quiescence définitive et arrêt de la division cellulaire)
• La préservation du pool de cellules souches permettant le renouvellement cellulaire
• L’interruption de voies de signalisation activatrices du vieillissement par certains facteurs de croissance
Comme pour Foxo, on constate un lien entre le vieillissement humain et certains variants fonctionnels du gène Klotho
TOR, un gène promoteur du vieillissement
Un des rôles majeurs de TOR (Target of Rapamycin) est d’adapter la croissance et le métabolisme cellulaires aux conditions environnementales, notamment la disponibilité des nutriments et à la présence de facteurs de croissance. Le dérèglement de TOR est impliqué dans la progression des cancers, du diabète mais également dans le processus de vieillissement. Entre autres effets biologiques, l’activation de TOR:
• augmente la synthèse des protéines
• inhibe le processus d’autophagie et l’activité du protéasome impliqués dans l’élimination et le recyclage des molécules endommagées ou devenues inutiles au fonctionnement de la cellule
• diminue le renouvellement de certaines cellules souches
• affecte la transcription de gènes impliqués dans la protection contre le stress oxydant
L’inhibition de TOR par la rapamycine, une molécule aux propriétés immuno-suppressives et anti-cancéreuses découverte dans le sol de l’Île de Pâques ( également appelée Rapa Nui d’où le nom de rapamycine) au début des années 1970, augmente significativement la durée de vie chez la levure, le ver, la mouche mais également, et de façon dose-dépendante chez la souris. Il semble que l’effet anti-vieillissement produit par l’inhibition de TOR ne soit pas dû à la diminution de la fréquence des cancers ni à celle de la synthèse des protéines mais plutôt au maintien de la qualité des protéines intracellulaires par l’activation des mécanismes d’autophagie. Quant à la maintenance des cellules souches, elle paraît d’avantage liée à l’augmentation de la protection contre les molécules oxydantes que par une autre activité anti-vieillissement.
D’autre gènes, gouvernant les acteurs de plusieurs voies biochimiques aux effets anti- et pro- vieillissement (parmi lesquelles celles des sirtuines, de l’AMP kinase, des facteurs de croissance insuline-like…) ont été découverts ces dernières années. En dehors de la fascination intellectuelle que suscitent les progrès récents réalisés dans la compréhension des mécanismes fondamentaux du vieillissement, l’intérêt majeur de ces découvertes réside dans la possibilité de modifier par des interventions pharmacologiques et/ou nutritionnelles l’activité de ces gènes et des voies biochimiques qu’ils encodent. De telles interventions pourraient permettre, dans un avenir proche, d’améliorer notre résistance au vieillissement et contribuer au maintien de notre état de santé avec l’avance en âge.
Médecin Directeur, Centre de Médecine Préventive Nescens, Clinique de Genolier, 1272 Genolier
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