Le manque d’activités physiques, c’est-à-dire un mode de vie sédentaire, est directement lié à une mauvaise santé et au vieillissement. L’activité physique n’est pas nécessairement synonyme de sport ou autre, elle peut également prendre la forme de diverses activités de loisirs, de voyages, de tâches ménagères, d’activités ludiques, etc. Près de 30 % de la population mondiale est considérée comme sédentaire, ce qui est lié à la façon dont nous vivons aujourd’hui. Il y a des véhicules motorisés partout, de toutes formes et de toutes tailles. Il n’est même plus nécessaire d’aller dans les magasins car tout peut être commandé en ligne. L’activité physique réduit le risque d’hypertension artérielle, de cancer, de maladies cardiovasculaires, d’accidents vasculaires cérébraux et de diabète. En plus de cela, elle améliore la santé des os et des muscles, ainsi que l’endurance, prolongeant ainsi notre vie.
Pour en savoir plus, continuez à lire l’article du Dr Pierre-Olivier Lang.
Mieux comprendre pour rester actif et vieillir en bonne santé
Qu’est-ce que l’activité physique ?
L’activité physique se définit comme tout mouvement produit par les muscles squelettiques, responsable d’une augmentation significative de la dépense énergique. Elle ne se limite donc pas aux seules activités sportives et englobe aussi les activités de loisirs (le jardinage ou le bricolage), les déplacements (à pied ou à vélo), les activités professionnelles, les tâches ménagères, les activités ludiques de la vie quotidienne (familiale, professionnelle, communautaire).
La sédentarité ou le manque d’activité physique est considéré comme un facteur majeur d’altération de la santé. Près de cinq millions de décès sont chaque année directement en lien avec une vie sédentaire tout comme 25% des cancers du sein ou du côlon, 27% des cas de diabète et 30% des coronaropathies. Près de 30% de la population mondiale est considérée comme sédentaire, et les seniors y sont très majoritairement représentés ! Ce constat est directement en rapport avec le mode de vie dans nos sociétés modernes où tout le monde est motorisé et où tout est à portée d’un clic.
Quels en sont les bénéfices à attendre pour la santé ?
Il est bien reconnu actuellement que la pratique régulière et adaptée d’une activité physique et/ou sportive a de nombreux bénéfices pour la santé. Réduction du risque d’hypertension artérielle, des maladies cardiovasculaires, d’accident vasculaire cérébral, du diabète, des cancers du sein et du colon en sont quelques exemples manifestes. L’activité physique améliore aussi la santé osseuse et musculaire, ainsi que les capacités d’endurance.
Pourquoi parler d’activité physique chez les seniors ?
Le vieillissement est intrinsèquement associé à une diminution de la masse et des performances musculaires. Si l’origine exacte reste encore mal connue, la perte de la masse musculaire semble liée à une altération des processus de synthèse protéique. Les fibres musculaires sont alors remplacées par de tissu graisseux. La fatigabilité musculaire est consécutive à des modifications plus profondes dans les cellules et notamment dans les générateurs d’énergie du muscle (les mitochondries).
Ces bouleversements dans le système moteur ne sont pas sans conséquence. Ils contribuent à augmenter le temps de réaction et à diminuer la vitesse de contraction musculaire. Comparativement à un sujet plus jeune, les seniors ont par exemple plus de difficultés à exercer la force adéquate et donc à réagir aux perturbations posturales. Combiné aux effets du vieillissement sur le système sensoriel, cela augmente très significativement le risque de perte d’équilibre et donc de chute. L’exercice régulier et adapté est un bon moyen de limiter l’amyotrophie et la fatigabilité musculaire. Les exercices de force et d’endurance favorisent la synthèse des protéines musculaires et optimisent la production d’énergie par les mitochondries.
Les bénéfices connus pour les seniors ?
De façon assez récente, les chercheurs se sont plus spécifiquement intéressés à cette question. Ils sont tous arrivés à la conclusion qu’il n’y avait pas de limite d’âge pour (re) commencer à être actif tout en gardant à l’esprit que l’activité devait être adaptée à l’état de santé et aux capacités fonctionnelles.
Réduction de la mortalité
Le bénéfice en termes de diminution de la mortalité est rapporté par toutes les études effectuées chez les personnes de 70 ans ou plus. Parmi elles, la Jerusalem Longitudinal Cohort Study démontrait en comparaison à des sédentaires, une réduction de la mortalité de 27 à 15% après 70 ans, de 41 à 26% après 78 ans et de 24 à 6% chez les 85+ chez les pratiquants d’une activité physique de type endurance. La Physician’s Health Study a conclu que l’espérance de vie à 20 ans d’un homme actif de 72 ans était augmentée par rapport à celle d’un sédentaire du même âge. Ces résultats soulèvent bien entendu la question de l’intensité optimale. Selon les auteurs, le bénéfice apparaît dès la pratique d’une activité même à faible intensité. La relation «intensité-bénéfice» n’est cependant pas linéaire et une intensité trop élevée ou inadaptée n’apporte pas toujours de bénéfices supplémentaires. Si l’intensité est importante, c’est surtout la dépense énergétique totale ou le volume d’activité (intensité × durée × périodicité) qu’il faut considérer. Elle est mesurée en MET (Metabolic Equivalent Task). Le tableau 1 présente le niveau d’intensité de différents types d’activité.
Réduction des maladies cardio-vasculaires
Ce bénéfice résulte notamment de l’amélioration de la circulation sanguine au niveau des artères coronaires et du muscle cardiaque. L’activité physique est d’ailleurs reconnue comme un moyen efficace de prévention. Chez des seniors ≥80 ans suivis sur 15 ans, une activité d’endurance de 2 séances / semaine diminuait les événements coronariens. Le Honolulu Heart Program confirmait cet effet dès une activité de faible intensité. La survenue d’événements coronariens était réduite de 20% chez des marcheurs (≥ 2,5 km/jour).
Contrôle de l’hypertension artérielle
La sédentarité est un facteur de risque majeur d’hypertension artérielle. L’ensemble des données disponibles concorde pour un bénéfice de l’activité physique et notamment de type endurance sur son contrôle. Cet effet résulte là aussi d’une combinaison de facteurs complexes (fonction endothéliale, modulation neuro-hormonale). Dans une étude, l’activité physique de type endurance diminuait la tension artérielle de seniors hypertendus de 10%. Si l’effet peut paraître minime, non seulement cet effet est équivalent à celui mesuré avec certains traitements antihypertenseurs. De plus une diminution de 3 mmHg de la tension artérielle est associée à une réduction du risque d’accident vasculaire cérébral de 14%, d’accident cardiaque de 9% et de mortalité globale de 4%.
Réduction des maladies cérébro-vasculaires
Cet effet s’explique par le meilleur contrôle des facteurs de risques vasculaires, l’amélioration de la santé fonctionnelle et des capacités d’endurance et aussi la production de facteurs de croissance neurogéniques. Une étude longitudinale avec un entraînement intermittent sur 6 semaines améliorait non seulement la récupération des patients ayant eu un accident vasculaire cérébral mais aussi rapportait une diminution des accidents vasculaires dits silencieux. Une relation «dose-effet » était mesurée où l’activité d’intensité élevée (≥5 heures / semaine) diminuait plus le risque d’accident cérébral qu’une activité d’intensité faible à modérée (<5 heures / semaine).
Amélioration du métabolisme du glucose et diminution du risque de diabète
Un meilleur contrôle de la glycémie apparaît dès la première séance d’activité physique. Une séance d’intensité modérée réduit les hyperglycémies postprandiales et cela par le recrutement des transporteurs musculaires du glucose. L’effet notamment sur la déplétion en glycogène, et la réduction du stockage des lipides intramusculaires expliquent les effets à moyen et long terme. Une récupération de la sensibilité à l’insuline est également observée avec le cumul des séances via une diminution de la masse grasse et une augmentation de la masse musculaire. Chez les seniors, il a été clairement montré une diminution du taux d’insuline à jeun de l’ordre de 30% et une augmentation de la sensibilité à l’insuline. Ces résultats ont été observés après 24 semaines d’activité d’endurance en comparaison à des séances de stretching et de yoga.
Réduction de l’hypercholestérolémie
Les modifications de la composition plasmatique en lipides au cours du vieillissement exposent les seniors aux complications cardio-, neuro-vasculaires et métaboliques. L’augmentation des taux de triglycérides, du cholestérol total, du LDL-cholestérol (mauvais cholestérol) et la diminution du HDL-cholestérol (bon cholestérol) conduit à un profil lipidique défavorable pour la santé. La majeure partie des études ont démontré une baisse du LDL-cholestérol et des triglycérides combinée à une augmentation du HDL-cholestérol. Ces bénéfices doivent s’intégrer dans une stratégie de réduction du risque cardio et neuro-vasculaire absolu en considérant le cumul des bénéfices de l’activité physique sur l’ensemble des facteurs de risque précédemment présentés.
La composition corporelle
La composition de notre corps change avec le vieillissement avec une augmentation de la masse grasse et une réduction de la masse maigre. Cela peut survenir sans modification de notre poids corporel et de l’indice de masse corporelle (IMC = poids/taille2 ). Plusieurs études ont montré un bénéfice de l’activité physique sur la composition corporelle avec une diminution du poids total, de la masse grasse sans cependant un bénéfice très significatif sur la masse maigre. Cette dernière cependant ne diminuait plus chez des seniors en bonne santé. D’autres études ont rapporté une diminution de l’IMC et le tour de taille témoignant alors du remplacement de la masse grasse par de la masse maigre.
Les capacités d’endurance
La capacité d’endurance est un excellent marqueur de l’état de santé général, mais aussi des capacités fonctionnelles d’une personne mais aussi de sa survie. Cette capacité est mesurée par la consommation maximale d’oxygène ou VO2max qui correspond au volume maximal d’oxygène qu’un individu peut consommer par unité de temps notamment lors d’un exercice dynamique aérobie maximal. Elle s’exprime en litres par minute (L/min). Chez un sujet jeune et sain, on observe des VO2max de l’ordre de 45 mL/min/kg chez l’homme et 35 mL/min/ kg chez la femme. Par contre, une VO2max inférieur à 15- 18 mL/ kg/min compromet significativement la fonctionnalité et cette valeur a été retenue par l’US Social Security Administration comme le seuil de la perte d’indépendance fonctionnelle. En effet, il existe une relation entre la VO2max et le niveau d’intensité qu’un individu peut tolérer (3.5 mL/ kg/minute de VO2max = 1 MET). Donc plus la VO2max est élevée, plus une personne est capable de soutenir des activités d’intensité élevée (tableau 1). Le bénéfice de l’activité physique sur la VO2max des seniors est bien démontré et toutes les études concordent même chez des personnes très âgées et/ou avec une insuffisance cardiaque. Chez des seniors (70+) sédentaires, il a été montré qu’après 9 semaines de réentrainement, ils retrouvaient une capacité d’endurance similaire à celle de sédentaire de 60 ans !
La force musculaire
Dès 50 ans, notre masse musculaire se réduit pour atteindre un déficit de 25% à 65 ans. Ces modifications visualisées clairement sur la figure 2 sont cependant potentiellement réversibles avec l’activité physique. Par exemple, un programme sur un ergocycle de 12 semaines chez des femmes âgées augmentait la puissance (+12%), la force du quadriceps (+20%), et le volume du quadriceps (12%). Ces résultats ont été confirmés aux membres supérieurs et inférieurs chez des sédentaires en bonne santé, des patients avec une gonarthrose et d’autres avec une bronchopathie chronique obstructive.
Les capacités fonctionnelles
Si le niveau des performances fonctionnelles globale s’altère avec le vieillissement, cela est aussi réversible par la pratique régulière d’une activité physique. Cette dernière apparaît d’ailleurs comme un élément fondamental dans la prévention du déclin fonctionnel. Son impact chez les personnes de 70+ est déjà observé après une courte période d’entraînement notamment sur les performances d’équilibre. Avec des activités plus prolongées (45 séances de marche de 30 minutes), il était mesuré une augmentation de la vitesse et de la distance de marche. Cela a été observé chez des sédentaires et aussi chez des patients avec une gonarthrose et même avec une artériopathie chronique des membres inférieurs.
La qualité de vie
Les effets de l’activité physique ne se limite pas à la santé physique et concernent aussi la santé psychique et mentale. Une vie plus active contribue au bien-être, à améliorer l’estime de soi et la qualité de la vie. L’activité physique favorise au niveau cérébral la production d’endorphines, de sérotonine, de dopamine, d’ocytocine, mais aussi de norépinephrine et la synthèse de nombreux facteurs de croissance neurogéniques qui protègent et régénèrent les neurones. Cela a été démontré tant chez des seniors en bonne santé que chez ceux souffrant d’affections chroniques respiratoires et/ou cardiaques et des personnes atteintes du cancer.
Les bénéfices récemment démontrés
La prévention du cancer
Des évidences récentes suggèrent que l’accumulation des séances d’activité physique et notamment de type endurance de haute intensité est associée à une réduction du risque de certains cancers. Cela serait expliqué par les effets bénéfiques sur le poids, la diminution de l’adiposité abdominale, l’augmentation de la sensibilité à l’insuline, une meilleure régulation de certains facteurs de croissance et de l’immunité. Il a ainsi été retrouvé une diminution du taux de cancer de la prostate chez les pratiquants d’une activité > 120 METheure (vs. < 40 MET-heure). Une autre étude rapportait que la marche (5×30 min/ semaine durant 6 semaines) diminuait de 19% la fatigue, et de 10 et 23% les douleurs et les raideurs articulaires chez les femmes en cours de traitement pour un cancer du sein. Dans le cancer du côlon, 150 min/ semaine d’activité physique amélioraient la qualité de vie. Cet effet était aussi observé dans le cancer de la vessie. Des études de plus grandes ampleurs ont rapporté une amélioration de la survie des patients avec un cancer du côlon.
Les capacités cognitives
Plus on pratique une activité physique moins on serait à risque de développer une maladie d’Alzheimer! Cet effet protecteur serait lié au meilleur contrôle des facteurs de risque cardio et neuro-vasculaires, à un effet neurotrophique, ainsi qu’au maintien des liens sociaux et une meilleure santé psychique et mentale. La grande majorité des études concorde vers une amélioration des performances globales et spécifiques. En prévention, 3×60 min d’activité physique/ semaine sur 12 semaines diminuait le nombre des erreurs au Wisconsin card sorting test en comparaison à des exercices de stretching. Un programme de marche sur 4 semaines améliorait les performances de certaines fonctions exécutives.
Ce qu’il reste encore à confirmer
Le bénéfice de l’activité physique sur la densité minéralisation osseuse (DMO), les chutes, et le risque de fracture est encore débattu. Certains auteurs suggèrent une relation en «U» entre intensité et risque de fractures et de chutes.
La minéralisation osseuse
Si l’activité physique contribue à augmenter la densité minérale osseuse via la contrainte mécanique, ce phénomène s’altère rapidement lors du vieillissement. Peu d’études ont considéré spécifiquement des seniors et les résultats sont contradictoires. La course à pied à une intensité modérée est associée à une minéralisation osseuse plus élevée que chez des nageurs ou des sédentaires. Une large étude retrouvait une relation doseréponse entre activité physique et la minéralisation au niveau du col du fémur chez des femmes de 75 ans ou plus.
Le risque de fractures et de chutes
La relation entre l’exercice physique et le risque de fracture est complexe. Son évaluation est rendue difficile en raison des nombreux facteurs de risque le plus souvent intriqués chez les seniors (troubles de la marche, problèmes d’équilibre, diminution du temps de réaction, déficits visuels et cognitifs, diminution de la force musculaire, sarcopénie, polymédication). Chez des femmes pratiquant une activité d’intensité modérée à élevée le risque de fracture de hanche et vertébrale était respectivement diminué de 42 et 33%. Même pratiquée depuis peu, l’activité physique serait bénéfique chez des seniors qui s’exerceraient au moins 3 heures / semaine. Pour prévenir les chutes la pratique d’activités multimodales (combinaison d’endurance et de renforcement musculaire par exemple) seraient plus bénéfiques. Mais l’activité d’endurance même isolée serait déjà bénéfique.
En pratique : que faire ?
Pour les 55+ la pratique d’au moins 150 minutes d’activité d’endurance d’intensité modérée/ semaine ou 75 minutes d’activité d’endurance d’intensité soutenue est recommandée. Cette activité devrait être pratiquée par périodes d’au moins 10 minutes. Pour pouvoir retirer des bénéfices supplémentaires, la durée de l’activité d’intensité modérée devra être progressivement augmentée pour atteindre 300 minutes / semaine ou 150 minutes si l’intensité est soutenue.
II est important de garder à l’esprit qu’il n’y a, a priori, aucune contre-indication à pratiquer une activité physique pour autant qu’elle soit adaptée. Les activités physiques intégrées à la vie quotidienne (se déplacer à pied ou à vélo, activités ménagères, jardinage) constituent une base qui peut être complétée par des activités qui sollicitent l’endurance, la force et l’équilibre. Si la crainte d’aggraver une pathologie est souvent évoquée comme une crainte, en dehors des phases d’exacerbation, aucune pathologie chronique ne contre-indique une activité d’intensité modérée. Il est cependant impératif de faire au préalable un bilan de santé si une activité d’intensité plus élevée est souhaitée.
Pour les personnes à mobilité réduite, le choix de l’activité devrait d’abord viser à améliorer l’équilibre et à prévenir les chutes (3x / semaine). Des exercices de renforcement ciblant les principaux groupes musculaires devraient aussi être pratiqués (2x / semaine). Lorsque des personnes ne peuvent pratiquer la quantité recommandée en raison de leur état de santé, elles devraient alors être aussi actives que leur capacité et de leur état de santé le leur permettent.
CONCLUSION
L’activité physique est un déterminant important de la santé des seniors et ce quel que soit leur âge et leur état de santé. Elle contribue à rompre le cercle vicieux qui lie la sédentarité et l’incidence des maladies chroniques, contribuant ainsi à un vieillissement de qualité et en meilleur santé.
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