Alors, c’est quoi la mitochondrie ? Ce n’est pas sans raison qu’on l’appelle généralement la centrale électrique des cellules. Elle prend la nourriture que nous avons mangée et l’oxygène que nous respirons et les transforme en énergie. Elle fait plus que cela, elle est essentielle à notre survie. Avec le temps, la forme et le volume des mitochondries changent. Cela représente également des changements fonctionnels majeurs. Elles jouent également un rôle essentiel dans l’apoptose, c’est-à-dire la mort cellulaire. Les mitochondries agissent comme les batteries de nos cellules et avec l’âge, elles se déchargent.
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Les quelques 100000 milliards de cellules qui constituent notre organisme ont besoin d’énergie pour fonctionner. Cette énergie provient de la combustion biochimique de molécules organiques (sucres, protéines, lipides) apportées par notre alimentation, grâce à l’oxygène que nous respirons. Ces réactions métaboliques se produisent essentiellement au sein d’organites intra-cellulaires appelées mitochondries et aboutissent à la production de molécules hautement énergétiques (adenosine tri-phosphate ou ATP) directement utilisables par les cellules, leur permettant d’assurer à la fois leur survie et leur fonctionnement optimal.
NOS ANCÊTRES LES BACTÉRIES
Il y a 1,5 milliard d’années, l’ancêtre bactérien de la mitochondrie actuelle (une rhodobactérie capable de « respirer » l’oxygène) a été englobée et a établi une relation symbiotique avec une cellule eukaryote (c’est à dire pourvue d’un noyau) primitive. Cette origine explique la présence, à l’intérieur de la mitochondrie, d’un code génétique qui lui est propre, inscrit dans une molécule d’ADN de type bactérien.
Les mitochondries équipent toutes les cellules de notre organisme, à l’exception des globules rouges. Plus une cellule est métaboliquement active, plus elle consomme d’oxygène et plus le nombre de mitochondries qu’elle contient est important. C’est ainsi que l’on dénombre la plus grande quantité de mitochondries dans les cellules du cerveau, du cœur, des muscles squelettiques, du rein et du foie.
Parallèlement à leur production énergétique, les mitochondries génèrent des produits secondaires, les formes actives de l’oxygène (ROS pour reactive oxygen species), résultant de la fuite d’électrons lors des différentes étapes biochimiques de la synthèse d’ATP. A faible concentration, ces formes actives de l’oxygène constituent des éléments de langage de la communication intercellulaire. Dans les conditions normales, les ROS sont maintenues à des niveaux physiologiques grâce à plusieurs systèmes d’enzymes antioxydantes équipant les cellules. Dans certaines conditions, les ROS sont produites à des taux supra-physiologiques, déploient alors leur agressivité et oxydent la totalité des molécules environnantes.
LES MICRO-GÉNÉRATEURS CELLULAIRES DONNENT DES SIGNES DE FAIBLESSE
Au cours du vieillissement, on constate une modification du volume et de la forme de mitochondries. Ces modifications morphologiques s’accompagnent d’altérations fonctionnelles majeures. En raison de ce dysfonctionnement mitochondrial la production d’ATP dans les muscles squelettiques diminue de 8% par décennie. Cette réduction avoisine 50% dans les muscles de la cuisse de personnes âgées de 65 à 85 ans par comparaison avec les valeurs obtenues chez des sujets âgés de 25 à 45 ans. La diminution de la production énergétique avec l’âge est également observée dans les cellules du cerveau, du cœur, des poumons, du foie et des reins.
LA FUITE DES ÉLECTRONS ENGENDRE DES PRODUITS TOXIQUES
La baisse de rendement énergétique mitochondrial s’accompagne d’une augmentation significative de la fuite des électrons et de la production des ROS. Ces produits secondaires très agressifs vont oxyder les différents constituants cellulaires qu’il s’agisse de protéines, de lipides ou d’acides nucléiques. Les modifications moléculaires résultant de cette oxydation vont perturber gravement le fonctionnement des cellules et finalement des organes, des systèmes et de l’organisme dans sa globalité. Les ROS sont en partie responsables de la détérioration des diverses fonctions cellulaires constatées au cours de l’avance en âge et sont impliquées dans de multiples conditions pathologiques associées au vieillissement, en particulier dans les affections neuro-dégénératives telles que la maladie de Parkinson et la maladie d’Alzheimer.
UN ADN TROP EXPOSÉ ET MAL PROTÉGÉ
Cette détérioration moléculaire atteint les propres composants de la mitochondrie notamment les protéines impliquées dans les mécanismes de synthèse de l’ATP et la molécule d’ADN encodant les gènes mitochondriaux. L’ADN mitochondrial est d’autant plus vulnérable qu’il est directement exposé aux ROS générés par cet organite, qu’il n’est pas protégé comme l’est l’ADN nucléaire et que ses mécanismes de réparation sont assez rudimentaires. Les lésions oxydatives induites par les formes actives de l’oxygène résultent en une accumulation progressive de mutations et de délétions au sein de l’ADN mitochondrial, au cours du vieillissement. Les manifestations pathologiques surviennent lorsque le taux de mutation est suffisamment élevé pour compromettre les fonctions essentielles de la mitochondrie.
NOS CELLULES SE SUICIDENT
Les mitochondries jouent un rôle essentiel dans la mort cellulaire en initiant un programme de suicide cellulaire connu sous le nom d’apoptose. Ce phénomène de mort cellulaire programmée est essentiel pour adapter le nombre de cellules de notre organisme à leur constant renouvellement et pour éliminer les cellules dysfonctionnelles. Un déséquilibre entre prolifération cellulaire et mort cellulaire est classiquement observé dans les organismes sénescents et au cours de diverses affections liées au vieillissement. Les modifications morphologiques et fonctionnelles de la mitochondrie avec l’âge contribuent à l’initiation et à l’amplification du processus d’apoptose, alors même que les capacités de renouvellement cellulaire diminuent. Ce double mécanisme explique en partie la réduction de notre masse cellulaire active avec l’avance en âge.
Les mitochondries jouent un rôle essentiel dans la mort cellulaire en initiant un programme de suicide cellulaire connu sous le nom d’apoptose.
UN VIEILLISSEMENT CELLULAIRE CONTAGIEUX
Le dysfonctionnement mitochondrial est également impliqué dans le phénomène de senescence cellulaire. La senescence cellulaire se caractérise par une accumulation de cellules endommagées ou vieillissantes qui ont perdu leur capacité réplicative mais ont acquis ce que l’on appelle un «phénotype sécrétoire». Elles produisent différentes molécules (médiateurs de l’inflammation, enzymes destructeurs du collagène, radicaux libres oxydants…) directement impliquées dans le processus de vieillissement lui-même et/ou dans l’exacerbation des pathologies liées à l’avance en âge. En outre, ces cellules vont contaminer les cellules adjacentes et induire chez-elles le phénotype sénescent.
LES POUBELLES CELLULAIRES SONT PLEINES
La baisse du rendement énergétique mitochondrial au cours du vieillissement est également favorisée par un double mécanisme: la diminution du renouvellement de ces organites (réduction de la biogénèse mitochondriale) et défaut d’élimination des mitochondries endommagées. On constate effectivement une anomalie dans la génération de nouvelles mitochondries qui devient inadaptée aux besoins énergétiques cellulaires. Parallèlement on observe une accumulation de mitochondries dysfonctionnelles qui auraient dues normalement être éliminées par la cellule qui les abrite, par un processus appelé autophagie. Ce mécanisme cellulaire permet de dégrader les composants cellulaires endommagés, de recycler leurs constituants et d’éviter ainsi la présence de déchets toxiques à l’intérieur de la cellule. Malheureusement ce processus d’autophagie perd de son efficacité au cours du vieillissement et se trouve débordé par l’importance des dégâts moléculaires.
La fonction mitochondriale a un profond impact sur le processus de vieillissement. Il reste encore énormément de travail pour élucider les différentes voies biochimiques impliquées dans sa régulation. Cependant, des découvertes récentes concernant les interconnections du dysfonctionnement mitochondrial avec d’autres mécanismes biologiques du vieillissement ont suscité un regain d’intérêt scientifique pour cet organite. Plusieurs molécules susceptibles de contrecarrer la dégénérescence mitochondriale liée à l’âge et d’améliorer le renouvellement et/ou la clairance des éléments endommagés ont été identifiées. Dans les années qui viennent, la mitochondrie sera certainement la cible de nouvelles thérapies destinées à alléger le fardeau de la sénescence.
Dans les années qui viennent, la mitochondrie sera certainement la cible de nouvelles thérapies destinées à alléger le fardeau de la sénescence.
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