Réussir son vieillissement

Prof. Jacques Proust

Nescens, Clinique de Genolier

mars 18, 2022

Le vieillissement est l’une des choses inévitables de la vie. Techniquement, nous vieillissons parce que les macromolécules dont nous sommes constitués s’abîment progressivement. Ce qui est encore plus intéressant, c’est qu’environ 30 % de notre résistance au vieillissement est due à notre patrimoine génétique, tandis que les 70 % restants sont dus à des influences environnementales et comportementales. Comme nous le savons tous, l’exercice physique, associé à un régime alimentaire sain, contribue largement à la réussite du vieillissement et au maintien de la santé. La médecine s’améliore jour après jour et ne peut que s’améliorer, ce qui permet de ralentir considérablement le processus de vieillissement.

Si vous voulez vieillir avec succès, continuez à lire l’article du professeur Jacques Proust.

Pourquoi vieillit-on ?

Nous vieillissons parce que les macromolécules qui nous composent (protéines, lipides et acides nucléiques) sont progressivement endommagées. Du fait de cette altération moléculaire, certaines réactions biochimiques essentielles vont être modifiées, compromettant le fonctionnement normal de nos cellules.

Cette modification du métabolisme cellulaire va entraîner à son tour des perturbations dans le fonctionnement des organes, des systèmes et aboutir finalement à un déclin physiologique généralisé et à l’apparition de maladies.

Que peut-on faire pour limiter les dégâts ?

Le maintien de l’état de santé n’est pas incompatible avec l’avance en âge. De simples actions de médecine préventive contribuent de manière tout à fait significative à préserver notre santé et à maintenir notre capital jeunesse. Deux tiers des affections responsables de mortalité précoce peuvent être prévenues.

Pour augmenter nos chances de bien vieillir, il est indispensable d’éliminer les risques comportementaux tels que tabagisme, alcoolisme, mauvaise alimentation, excès de poids, sédentarité, etc.

Nous pouvons également augmenter nos chances de « bien » vieillir en tentant de détecter et de traiter aussi tôt que possible les altérations physiologiques qui risquent d’influencer négativement notre état de santé avec le passage des ans. On dispose pour cela de marqueurs biologiques de plus en plus précis permettant d’apprécier le degré de détérioration de tel organe ou système et d’identifier les facteurs de risque susceptibles de provoquer à terme un dysfonctionnement de l’organisme ou une maladie.

« C’est la fonction qui maintient l’organe »

Enfin de façon plus générale, en matière de prévention du vieillissement, il existe une règle d’or : « c’est la fonction qui maintient l’organe ». Toute fonction non utilisée va aboutir à la détérioration de l’organe correspondant. Le maintien des performances passe donc par la poursuite des activités, si possible au même rythme et avec la même intensité. Il est évident que cette discipline personnelle exige de plus en plus d’effort et de volonté avec l’avance en âge, mais c’est justement là qu’il importe de ne pas démissionner.

La découverte majeure issue de la recherche biomédicale est que le phénomène de vieillissement est loin d’être aussi immuable qu’on le pensait. Certains des mécanismes fondamentaux impliqués dans le processus de sénescence ont été élucidés. A mesure que notre compréhension du vieillissement progresse, de nouvelles stratégies thérapeutiques sont développées, nous permettant de bloquer partiellement les rouages intimes du vieillissement. Ralentir le processus même du vieillissement apparaît désormais comme l’une des solutions envisageables pour retarder l’apparition du déclin physiologique mais aussi des maladies dégénératives liées à l’âge. S’il n’est pas possible de rajeunir, il est possible d’influencer la rapidité d’évolution du vieillissement et d’en modifier certaines manifestations.

Quel est le rôle joué par la nutrition ?

Il est généralement admis que notre résistance au vieillissement est due pour 30% à notre constitution génétique et pour 70% aux influences environnementales et comportementales auxquelles nous soumettons notre organisme et parmi lesquelles notre comportement alimentaire joue un rôle majeur. 

Les interactions entre les facteurs génétiques et les facteurs environnementaux /comportementaux opèrent pendant toute la durée de notre vie. Certains des mécanismes épigénétiques de notre vieillissement peuvent être contrecarrés par des interventions préventives nutritionnelles concernant les apports caloriques et les composants de notre alimentation quotidienne pour autant qu’elles soient initiées suffisamment tôt.

En fonction de notre hérédité et de notre histoire de vie, certains de nos organes et de nos systèmes vont subir un vieillissement accéléré et une détérioration physiologique précoce (affection cardio-vasculaires, affection neuro-dégénératives, inflammation chronique, déminéralisation osseuse, perte de masse musculaire, altération cutanée, etc.). En dehors des traitements spécifiques proposés pour ces pathologies, des modifications appropriées de notre alimentation permettent de ralentir l’évolution de ces altérations physiopathologiques et probablement d’augmenter notre espérance de vie.

L’avance en âge constitue en lui-même un facteur de risque de déséquilibre alimentaire et de carences nutritionnelles multiples. D’une façon générale, le vieillissement affecte à la fois l’absorption des certains nutriments et leur consommation en raison de changements physiologiques, psychologiques et sociaux. 

Une adhésion de longue durée à régime méditerranéen traditionnel est associée à un accroissement de la longévité et à une diminution du risque de développer des maladies chroniques telles que cancer, syndrome métabolique, dépression, affections cardio-vasculaires et neuro-dégénératives. Les études montrent que certains composants alimentaires tels que huile d’olive, anti-oxydants, acides gras poly-insaturés oméga-3 et oméga-6, polyphénols et flavonoïdes sont directement impliqués dans les effets anti-vieillissement de ce régime. 

Est-ce que l’activité physique permet de ralentir le vieillissement ? 

C’est un fait maintenant établi que la pratique régulière d’une activité physique tout au long d’une vie, complétée par des habitudes alimentaires saines, augmente l’espérance de vie. L’une des études les plus intéressantes a été menée sur une population de près de 17’000 personnes âgées de 35 à 74 ans. Il a été clairement démontré que le taux de mortalité chez les personnes qui dépensaient par leur activité physique au moins 2000 calories par semaine était de 25 à 30 % inférieur à celui des sédentaires. Le volume d’activité physique nécessaire pour dépenser les 2000 calories requises correspond à environ 5 heures de marche rapide ou 4 heures de course modérée par semaine. Seules les personnes restées actives durant toute la durée de l’étude tiraient bénéfice d’une espérance de vie plus longue et d’une meilleure qualité de vie. Cependant, les bienfaits de l’activité physique ne pouvaient pas être capitalisés. Ils persistaient tant que l’on restait actif. En revanche, il ne semble jamais trop pour commencer à être actif et en tirer des bénéfices pour sa santé. 

A l’opposé, un style de vie sédentaire constitue une menace bien plus sérieuse pour la santé que le processus de vieillissement lui-même. A lui seul, ce mode de vie serait, selon les études, responsable de plus de 50% des modifications structurelles et fonctionnelles habituellement attribuées aux processus de sénescence. L’ostéoporose, l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie, la dépression, la fatigue chronique sont étroitement associés à la sédentarité. 

Les seniors qui exercent régulièrement une activité physique en retirent de multiples bienfaits, parmi lesquels une capacité de travail accrue, une réduction du taux de maladies cardiovasculaires, une réduction de l’hypertension artérielle, une augmentation de la densité osseuse, une augmentation de la masse maigre et une diminution de la masse grasse. 

Qu’en est-il des compléments alimentaires: ont-ils une utilité ? 

Il est évident qu’un déséquilibre alimentaire et/ou une carence nutritionnelle doivent être corrigés par les moyens appropriés (supplémentation protéino-énergétique, vitaminique, minérale, etc…) lorsqu’ils ont été identifiés. 

Il est tout aussi évident et démontré par de nombreuses études que la prise incontrôlée de multiples compléments alimentaires est inutile et parfois même néfaste. Cette supplémentation anarchique et souvent aberrante par de nombreux composés multivitaminiques utilisés simultanément peut même parfois se révéler dangereuse par le risque de surdosage en certains éléments (vitamine A, sélénium par exemple..) dû à leur redondance au sein des différentes spécialités commercialisées. 

A quel âge commence-t-on à vieillir ? 

Nos organismes et les éléments qui les composent vieillissent tous de façon différente et à des vitesses variables. Certaines personnes semblent présenter une résistance relative au vieillissement, en partie héréditaire; on rencontre des familles au sein desquelles les individus terminent en majorité leur vie à un âge très avancé, sans altération préalable de leur état de santé. Inversement, d’autres personnes vieillissent plus rapidement et voient leur vie interrompue précocement, peut-être en raison de prédispositions génétiques à certaines affections, mais aussi et surtout en raison de modes de vie et de comportements individuels qui vont dilapider leur capital santé. 

woman touching her face, looking for wrinkles

Quel sont les progrès réalisés dans la compréhension du processus de sénescence ? 

Depuis l’observation initiale, dans les années 30, que la restriction calorique prolongeait la durée de vie de la plupart des organismes, il a été démontré que de nombreuses interventions biomédicales étaient capables d’interférer avec le processus de sénescence. 

Plus récemment, on a découvert qu’un mécanisme génétique universel, hautement conservé au cours de l’évolution, parait contrôler la rapidité du processus de vieillissement dans la plupart des espèces. Autrement dit, les mêmes gènes, encodant les mêmes voies biochimiques, sont susceptibles de modifier la rapidité du processus de vieillissement aussi bien chez la levure que chez le vers, la mouche ou la souris. 

A mesure que notre compréhension du vieillissement progresse et que de nouvelles voies biochimiques sont découvertes, des stratégies thérapeutiques sont développées qui nous permettent de bloquer partiellement les rouages intimes du vieillissement. Les produits destinés à neutraliser certaines molécules toxiques produite par notre propre métabolisme, à éliminer les cellules sénescentes qui contaminent notre organise, à maintenir notre production de molécules énergétiques (ATP), à activer nos mécanismes de maintenance et de réparation cellulaires et à favoriser la communication chimique entre les cellules font partie des moyens pharmacologiques dont nous disposons actuellement. Ralentir le processus biologique de la sénescence représente donc une autre étape importante dans la lutte contre le vieillissement.

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