Arthrose de la main et du poignet : des solutions thérapeutiques innovantes

Dr. Grégoire Chick

Chirurgie de la main Clinique de Genolier, Genolier

août 19, 2022

Le cartilage tapisse l’os au niveau des extrémités des os permettant la mobilité d’une articulation. L’arthrose correspond à la perte du cartilage, qui est une structure qui ne cicatrise pas spontanément. Il n’y a pas, pour le moment, de médicament qui permette de refaire le cartilage.

Cartilage articulaire tapissant l’extrémité d’un os

1. Origine de l’arthrose 

  • Le plus souvent, on parle d’arthrose dégénérative ou primitive qui correspond à la perte progressive du cartilage au niveau d’une articulation. Cette arthrose primitive est fréquente, à l’origine de déformations, de douleurs, de perte de force et de troubles fonctionnels. Son incidence est en augmentation (15% en 1990, 18% en 2020). Elle concerne la femme de plus de 55 ans dans 67% des cas (arthrose radiologique) mais seulement 20% de l’arthrose est symptomatique. 
    Parmi les facteurs étiologiques, on retrouve l’âge, le sexe féminin, l’obésité, le tabagisme, le déficit hormonal, les microtraumatismes répétés. 
    Il existe une prédisposition génétique pour les articulations distales des doigts longs (famille d’arthrose). La répartition topographique concerne le plus souvent les articulations distales des doigts longs (20%) et la base du pouce (8%) pour 5% au niveau des articulations intermédiaires.
  • L’arthrose secondaire est la conséquence d’une pathologie sous-jacente ou d’un traumatisme (arthrose post-traumatique). La restitution anatomique d’une surface articulaire minimise le risque d’arthrose secondaire. Elle peut-être aussi être la conséquence de lésions anciennes qu’elles soient ligamentaires ou osseuses, qui aboutissent à des désorganisations spatiales des os du carpe ou des doigts longs aboutissant progressivement à la perte de cartilage et à l’arthrose.
Déformation des doigts et du pouce liée à une arthrose essentielle 

2. L’arthrose du poignet et de la main : les notions fondamentales…

Les localisations de l’arthrose sont variables, en fonction de leur origine. Deux notions fondamentales doivent dicter la conduite thérapeutique : 

  • Il n’y a pas de parallélisme radio-clinique dans l’arthrose: une articulation détruite n’est pas forcément symptomatique (douloureuse) ; à l’inverse une articulation avec peu de signe radiologique peut être douloureuse, en raison de la pression exercée sur la capsule qui est une structure très innervée : l’indication d’un traitement repose sur la clinique.
  • Le traitement chirurgical n’est indiqué qu’en cas d’échec du traitement conservateur (attelle, infiltration, anti-inflammatoires) suffisamment longtemps poursuivi.

Les données les plus récentes de la littérature ont montré une diminution significative du Le traitement chirurgical de l’arthrose, quelque soit la localisation repose sur 3 types d’intervention avec, pour chacune, des avantages et des inconvénients :

  • Faire fusionner l’articulation (arthrodèse) : dans ce cas il n’y a plus de mobilité de l’articulation définitivement, la douleur disparaît au prix de l’enraidissement : elles sont réservées aux articulations pour lesquelles le préjudice fonctionnel de bloquer l’articulation est au second plan.
  • Les prothèses qui remplacent l’articulation défaillantes : elles permettent de conserver une articulation mobile et indolore : leur pronostic est lié aux possibles détériorations à long termes des prothèses et aux sollicitations (travailleur de force).
  • Les interpositions consistent à intercaler au niveau de l’articulation un tissu (tendon, ligament) pour limiter les frottements au niveau des articulations et donc la douleur. Leurs indications sont relatives souvent à l’âge, lorsque les autres indications apparaissent trop contraignantes.

L’indication chirurgicale entre les différentes options doit tenir compte de la localisation (certaines articulations comme celles des doigts longs nécessitent de la mobilité) et des articulations au dessus et en dessous : la fusion de 2 articulations de suite ne peut se compenser et abouti à un doigt raide et exclu.

Anatomie de la main et du poignet

3. Traitement de l’arthrose du poignet et du carpe

Le poignet comprend l’extrémité distale du radius et du cubitus (ulna). Le carpe comprend 8 petits os répartis en 2 rangées. Le carpe s’articule avec le poignet et les métacarpiens (os de la base des doigts et du pouce). L’os du carpe le plus connu est le scaphoïde qui fait face au radius dans l’axe du pouce.

• Articulation entre le radius et le carpe (articulation radio-carpienne)

Lorsqu’il existe une perte de cartilage étendue entre la radius et l’ensemble des os du carpe (panarthrose), les solutions chirurgicales, après échec du traitement conservateur, consistent, si l’articulation est symptomatique (douloureuse): 

  • à faire fusionner l’ensemble des articulations du poignet (arthrodèse totale du poignet) : le poignet est bloqué définitivement avec 20 degrés d’extension permettant la préhension, la mobilité des doigts, du pouce et la rotation du poignet. La force est conservée au prix de la mobilité. Cela nécessite une greffe d’os pour faciliter la fusion après avoir retiré le cartilage défaillant.
  • à remplacer l’articulation par une prothèse totale de poignet qui permet de préserver la mobilité dans tous les plans de l’espace. La force est diminuée de 25% par rapport au coté opposé sur un poignet peu ou pas douloureux. Les pièces de la prothèse peuvent s’user ou ne pas s’intégrer dans l’os (pas de ciment) rendant son indication réservée aux personnes avec une faible demande fonctionnelle (à éviter chez le travailleur de force). Leur durée de vie est de 10 à 15 ans dans 90% des cas : Les pièces peuvent être changées en cas d’usure (prothèse modulaire).
Prothèse totale de poignet

• Articulation entre l’extrémité inférieure du radius et du cubitus (articulation radio-ulnaire distale)
Le remplacement de l’articulation d.faillante par une proth.se est possible. L’alternative est de faire fusionner l’articulation radio-ulnaire inférieure, et de couper le cubitus (ostéotomie) pour permettre de conserver la mobilité en rotation ou de retirer l’extrémité inférieure du cubitus associée . une stabilisation ; dans ce cas la force est nettement diminuée.

Prothèse de tête ulnaire vs arthrodèse radio-ulnaire inférieure avec ostéotomie de l’ulna.

• Articulations entre les os du carpe
L’arthrose fait suite le plus souvent à une désorganisation spatiale des os du carpe, consécutif à un traumatisme (arthrose post traumatique) comme une fracture du scaphoïde qui ne consolide pas ou une lésion ligamentaire notamment le ligament entre le scaphoïde et le lunatum (ligament scapho-lunaire). L’arthrose peut aussi être la conséquence de dépôts de microcristaux (goutte, chondrocalcinose) au niveau du ligament scapho-lunaire le fragilisant et conduisant secondairement à la disparition du cartilage d’abord entre le scaphoïde et le radius, puis entre les os des 2 rangées. Cette évolution est constante avec un délai d’apparition variable mais souvent de plusieurs années. Selon le type d’atteinte, la limitation fonctionnelle du poignet est variable avec pour corollaire le type de traitement.

Si le radius ne présente pas de perte de cartilage, des solutions intermédiaires de sauvetage permettent de préserver la mobilité ou la force : la résection de la première rangée des os du carpe permet de créer une articulation entre le radius et la deuxième rangée, conservant la mobilité au prix d’une diminution de force ; la fusion partielle des os du carpe, comme l’arthrodèse des 4 os permet de préserver mieux la force mais enraidit le poignet. 

Résection de la première rangée vs arthrodèse des 4 os

• Articulation entre le scaphoïde et le trapèze (articulation scapho-trapézo-trapézoidienne : STT)
Au niveau de la base du pouce l’articulation entre le scaphoïde, le trapèze et le trapézoïde peut être source d’arthrose (arthrose STT). Son origine est souvent la chondrocalcinose. En cas d’échec du traitement médical (immobilisation, infiltration) et de persistance de douleurs, le traitement peut consister à faire fusionner le scaphoïde et le trapèze et le trapézoïde (arthrodèse STT), à retirer le pôle distal du scaphoïde et le remplacer par un ligament ou à implanter une prothèse d’interposition entre les os (rôle d’entretoise).

Arthrose STT (localisation), Prothèse STT, Spacer en pyrocabone (disque biconcave)

4. Traitement de l’arthrose du pouce

La rhizarthrose ou arthrose de la base du pouce, développée entre le premier métacarpien et le trapèze, est une pathologie fréquente qui concerne le plus souvent la femme au-delà de 50 ans. Cette arthrose est source de douleurs et de perte de force lors de la saisie des objets avec des difficultés pour ouvrir une bouteille ou tourner une clé dans une serrure. 

Rhizarthrose : Déformation et perte de force

Le traitement initial consiste à immobiliser la nuit le pouce dans une attelle, dont le but est de recentrer et d’enraidir l’articulation. Parfois une infiltration peut être efficace. Seuls 20% des arthroses trapézo-métacarpiennes sont symptomatiques (à ne pas confondre avec l’arthrose radiologique). L’indication chirurgicale repose uniquement sur la persistance de douleurs malgré une immobilisation. 

Parmi les options thérapeutiques :

  • soit on retire le trapèze avec interposition d’un tendon pour éviter le raccourcissement du pouce (trapézectomie).
  • soit on peut mettre en place une prothèse totale similaire aux prothèses de hanches qui permettent de redonner la longueur de la colonne du pouce et la force. La prothèse permet une reprise de fonction plus rapide et une récupération de la force. Cependant des risques de descellement ou d’usure de la prothèse avec un taux de survie dans la plupart des séries de 90% à 15 ans de recul. Lorsque plusieurs niveaux sont atteints par l’arthrose au niveau du pouce des solutions combinées peuvent prendre place comme la mise en place de deux prothèses ou une trapézectomie. 

Prothèse totale Trapézo-métacarpienne à gauche, aspect clinique et radiologique

5. Traitement de l’arthrose des doigts longs

La mobilité des doigts est assurée pour 60% dans l’articulation métacarpophalangienne, 35% dans l’articulation intermédiaire du doigt (IPP), et 5% dans l’articulation distale du doigt (IPD). L’arthrose est fréquente et intéresse plus fréquemment les articulations distales proches de l’ongle. Il existe des contre-indications à faire fusionner une articulation (arthrodèse) notamment à l’étage métacarpo-phalangien car un doigt raide devient 

exclu. Au niveau de l’articulation distale d’un doigt la fusion de cette articulation a peu de conséquences sur la fonction, compte tenu de la faible mobilité de cette articulation.

• Arthrose métacarpo-phalangienne (MCP)

La mise en place de prothèses le plus souvent en Silastic (Fig. 1) permet de retirer la douleur, assurer la mobilité au niveau d’un doigt. Les autres prothèses sont d’indication plus rare, compte-tenu de performances mécaniques actuellement limitées (hemi-prothèses en pyrocarbon).

Fig. 1 : Prothèse en Silastic, mobilité après mise en place de 4 prothèses MCP

• Arthrose inter-phangienne proximale (IPP)

Au niveau des articulations intermédiaires des doigts longs, la mise en place d’une prothèse est une des solutions. Lorsqu’il s’agit de l’index il faut mettre en balance la mise en place d’une prothèse avec une fusion articulaire (arthrodèse) compte tenu des contraintes exercées sur ce doigt. 

Parmi les prothèses, il y a des implants en silicone, de conception ancienne et les prothèses à glissement de conception récentes, pour lesquelles le recul est actuellement insuffisant. Ces dernières sont préférentiellement mises en place au niveau de l’index, assurant une auto stabilité liée à la congruence des pièces prothétiques. Les prothèses ont comme but de préserver la mobilité de cette articulation, et éviter un doigt raide et exclu.

Prothèses IPP à glissement, résultats cliniques sur la mobilité à 6 semaines post opératoire

• Arthrose inter-phalangienne distale (IPD)

Au niveau des articulations distales des doigts longs, les principales plaintes des patients sont à la douleur, à la déformation du doigt et au développement de kystes. Parfois, le doigt peut être désaxé.

  • En fonction de la persistance de douleurs après traitement conservateur, le traitement chirurgical consiste dans la majorité des cas à fixer l’articulation distale des doigts avec différents procédés de fixation (arthrodèse). L’utilisation de certains procédés à l’avantage de pouvoir donner une angulation en flexion au niveau de la dernière phalange pour qu’elle permette l’opposition avec la pulpe du pouce. L’absence de matériel au niveau de la pulpe rend le contact avec un plan dur non douloureux. Une immobilisation segmentaire est nécessaire jusqu’à la fusion osseuse (3 mois).
  • La mise en place de prothèses au niveau des articulations distales des doigts n’est pas recommandée compte tenu de leur manque d’ancrage, de la faible mobilité obtenue et surtout du fait qu’il faut interrompre le tendon extenseur pour mettre en place la prothèse ce qui participe à la raideur des doigts.
Arthrose IPD aspect radiologique, clinique. Arthrodèse utilisant une agrafe à mémoire de forme
  • Les corrections esthétiques comme le microlifting ou l’exérèse des ostéophytes est peu recommandée du fait des récidives fréquentes et du caractère aléatoire et enraidissant de cette chirurgie.

Ainsi au niveau des doigts longs les possibilités thérapeutiques sont orientées plus fréquemment vers une fusion des articulations distales lorsqu’elles sont symptomatiques et la mise en place de prothèse pour conserver la mobilité au niveau des articulations intermédiaires ou proximales des doigts longs.

Ce qu’il faut retenir

Ne pas confondre l’arthrose radiologique et l’arthrose clinique.

L’indication de la chirurgie dans l’arthrose de la main et du poignet repose sur l’échec du traitement médical : opérer un patient et non une radiographie.

Une articulation usée peut-être traitée soit en la faisant fusionner, soit en retirant le conflit en interposant des parties molles, soit en assurant la mobilité par une prothèse. Le choix repose essentiellement sur la localisation et la fonction désirée par le patient.

La mise en place de prothèses, nécessite une surveillance à long terme, compte tenu des possibilités de descellement ou d’usure des pièces prothétiques. 

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